TOP 2004
<100-76> <75-51> <50-26> <25-11> <Top 10>
25 Landing
Sphere
k
Pensez à un groupe
comprenant un couple en son sein, dont les influences sont à chercher
du côté de Slowdive ou Spacemen
3, de
confession Mormonne et dont le nom commence par un L... et vous obtenez Low...
euh non... Landing je veux dire. Membres du collectif
artistique The Vessyl, aux côtés des fabuleux Yume
Bitsu ou de Surface Of Eceon,
Landing évolue dans un style plus conventionnel
que ces autres formations, tout en partageant le même attrait pour les
sons planants et vaporeux. La formation du Connecticut, composé
du couple à la ville comme à la scène Adrienne et Aaron
Snow (qui se sont rencontrés en 98 à Brigham Young University,
etablissement
fondé par les Mormons à Salt Lake City), utilise certaines structures
de guitares qui évoquent Slowdive
ou les Cocteau Twins, cette
même esthétique pop dreamy en la mélangeant aux nappes et
ambiances de groupes plus experimentaux tels Windy
& Carl, Bowery
Electric ou Aarktica (l'intro
de Fluency
Of Colors rappelle
furieusement l'ouverture de Pure
Tone Audiometry).
Landing semble attaché
au principe de noyer la mélodie sous les drone de guitares, les nappes
d'échos, pour la rendre moins évidente mais aussi la sublimer.
L'oreille attentive n'en est que plus récompensée lorsqu'elle
parvient à accrocher la ligne mélodique originelle. Dans ce contexte
un morceau
comme Into
Silence, emmené
par la voix de Adrienne, rappellera Jessica Bailiff
période
Hour Of Trace
et même par moments on pense
au minimalisme de Low . Faisant toujours
la part belle aux ambiances instrumentales (c'était déjà
le cas sur les disques précédents mais
peut-être en étant moins concis dans la durée), Landing
parvient à construire son propre monde délicat, imperturbable
dans sa bulle
de tranquilité.
24
Black
Ox Orkestar Ver
Tanzt ? constellation
Projet constitué de Thierry Amar (contrebasse - Godspeed
You! Black Emperor, Molasses et
Silver Mt Zion),Gabe Levine (clarinette,
guitare- Sackville) Scott Levine Gilmore
( voix, guitare, mandoline, cymbalom, batterie, violon, harmonium)
Jessica Moss: (violon, clarinette, Silver
Mt Zion et
participation au dernier Frankie Sparo),
Black Ox Orkestar est un projet résolum-
-ment politique. Avant la seconde guerre mondiale, 8 millions de personnes parlait
Yiddish dans le monde, au delà de la notion de
frontières, ces gens partageaient quelque chose d'unique. Suite à
la diaspora ces gens ont un peu mis cette culture de côté pour
s'intégrer à leurs pays d'acceuil. Partant de ce constat les musiciens,
tous originaires de la scène de Montréal, gravitant autour du
label
Constellation, et de confession judaïque, ont décidé de se
réunir pour exprimer un point de vue: celui qui affirme qu'il y a une
vie et une
culture juive en dehors de l'état d'Israel. Ainsi Black Ox Orkestar s'élève
contre le diktat absolu de l'état Hébreu en matière culturelle,
car il existe parmi les juifs d'Amérique du Nord, une profonde identification
à l'état d'Israel, relayée dès la prime enfance
par les Jewish
Summer Camps (et oui ça n'existe pas que dans South
Park...; ) ), cette idée que cet état
est l'unique but à atteindre, la seule raison
d'être du peuple juif. Pour ces canadiens la célébration
de cette culture ne passe pas par une politique d'état dont on essaie
de prouver
la légitimité à travers la conservation de cette culture,
tout cela n'a pas lieu d'être, comme l'insistance d'Israel à "imposer"
l'utilisation de
le la langue hébraique. Pour Scott Levine Gilmore, qui a étudié
la langue et le folklore Yiddish à l'université de McGill à
Montréal, c'est
un acte politique profond que de ne pas chanter en hébreu, une manière
de totalement assumer la Diaspora, la prendre comme un acte
fondateur et fort de la culture d'un peuple, celui de vivre, travailler, dans
un pays d'adoption sans renier sa culture et sans chercher à
s'enfermer dans une politique bornée et communautariste. C'est dans cette
volonté d'ouverture que le groupe emprunte à divers folklore
ses racines klezmerim, on retrouve des musiques traditionelles d'Europe Centrale
(le
magnifique Skocne
marqué par les accents
métaliques du cymbalon, instrument très présent dans le
folklore hongrois),
d'Ukraine (le très cinématographique
Moscowitz Terkisher),
des Balkans, des musiques hybrides nées d'échanges
entre la communauté juive, la communauté orthodoxe ou tzigane
(de la même
manière que le folk US emprunte aux racines africaines des esclaves,
aux traditions des immigrants pauvres en provenance d'Irlande
et d'Angleterre etc). A l'image d'ailleurs du Yiddish, langue batarde empruntant
à l'allemand médiéval, aux langues slaves et à l'hébreu.
Musicalement l'album revêt les couleurs de la mélancolie et de
la révolte, ce qui ne les éloigne pas vraiment de groupes comme
le
Silver Mt Zion ou Godspeed (Maintenant il faut aussi voir que d'un point de
vue personnel la musique klezmer m'a toujours poussé
vers la mélancolie). Bien sûr les morceaux chantés seront
vraisemblablement les moins accessibles (barrièrre de la langue?), mais
n'en sont pas pour autant les moins réussis: le formidable Toyte
goyes in shineln basé sur un poème de Itzik
Fefer (écrivain russe
persecuté par le régime Staliniste),
ou le violent Ver Tanzt? qui
est un pamphlet contre la politique de Sharon, celle qui a emmené
Israel dans une seconde intifada (Do the oppressed mirror the oppressor?/The
beaten child is in the street with fists/And
the sad race
of wise men / Sends brutes / To the border.) Dans ses instrumentaux le groupe
jouent sur les nuances, d'un côté des titres enlevés,
comme Kalarash
et sa clarinette
dansante, ou les cordes de Cretan
Song, de l'autre
la tristesse de Nign
et son staccato de
mandoline qui lui donne un étrange côté latin.
Un album intrigant qui ne plaira pas à tout le monde, il a néanmoins
le mérite d'inviter
un public rock à s'interesser à une musique riche et profonde.
23
Migala La
Increible aventura
acuarela
Tucson, Game Over. Ainsi s'intitule l'un des morceaux
de La Increible Aventura, quatrième album studio des madrilènes
de Migala,
comme une mise au point pour nous signifier que dorénavant le groupe
se détache de ses tendances folk-americana à la croisée
de
Calexico (groupe originaire de Tucson,AZ) et de Palace.
Le groupe décide de miser sur l'instrumental, ici les voix ont cédé
la place à des
plages cinématographiques (d'ailleurs le disque est accompagné
d'un DVD) qui évoque ce qu' il se fait de mieux sur la scène rock
instrumentale. La voix grave d'Abel Hernandez, évoquant Stuart Staples
des Tindersticks, Nick
Cave ou même Aidan Moffat d'Arab Strap),
apparait sur seulement deux morceaux du disque et tend à nous manquer
terriblement par la suite, tant le groupe est à l'aise et performant
sur ce genre de chansons. Car même si les morceaux instrumentaux parviennent
à créer de belles ambiances, épiques (El Tigre que
hay
en ti ou l'ouverture à grand coups de samples de Darth Vader,
El
Imperio del mal), et
que le disque ne fait que confirmer la tendance
perçue dans Restos de un incendio (disque échappatoire
pour le groupe, lui ayant donné la possibilité de rejouer ses
morceaux à la
manière du live),on peut par moments être un poil perplexe. Car
il montre un groupe appliqué, et soucieux de ne pas trop en faire, pas
question de faire du bruit pour rien (dans ce sens le furieux WWW
est un parfait exemple de maitrise de soi) mais qui reste exposé au
revers de la médaille, celle qu'immanquablement laisse l'auditeur s'interroger
sur le bien fondé de la disparition des excellents textes du
groupe (souvenez vous Gurb's Song sur Asi duele un verano...magnifique)
au profit d'une musique à la Friends Of Dean
Martinez,
avec le risque de sonner creuse...ou plutôt dispersée. D'ailleurs
c'est un peu ce qui saut aux yeux en regardant le DVD qui accompagne
l'album: de multiples références (s-f; western spaghetti, kung-fu
etc...) qui noient un peu le poisson... La
Increible Aventura est un
très
bon disque, mais un disque de transition, Migala semble encore trop le cul entre
deux chaises pour totalement convaincre. On les sait
capables de mieux et on a du mal à comprendre pourquoi ils s'enferment
dans un genre, mettant de côté les explorations passées,
le côté
folk de Nick Drake ou songwriting
à la Leonard Cohen, qui cohabitaient
avec les pièces sonores dans la veine de Mogwai
et alii
sur
Restos de un incendio ?
On attend tout de même la suite avec grande impatience.
22
Hanin Elias
Future Noir fatal
Tout commence avec Untouchable et son piano sur lequel
vient se greefer une rythmique synthétique que Nine
Inch Nails ne renierait
pas, et puis vient la voix d'Hanin Elias, faussement fragile qui se brise dans
un souffle: "You showed me the world with your eyes and
broke my heart - broke my mind / It's time to stop the fatal line" La voix
évoque tour à tour la Courtney Love des grands jours de Hole
(circa 1994) ainsi que la trop vite oubliée Caroline Finch de Linoleum.
On a du mal à la rapprocher de la furie qui officiait antan aux
côtés d'Alec Empire dans Atari Teenage
Riot, tant elle sait courber l'échine pour mieux toucher,
sussure (l'excellent In My Room avec
Thurston Moore à la guitare), murmure,
aguiche (le très moite City Lights) ordonne (le
très dance floor Fight Together) ou hurle
(le final du
très SM Burn).
C'est la voix d'Hanin qui porte Future Noir, l'emmène entre
ombre et lumière: "I wish I could, do something else,
something else, than being me. It's time to die, slow and painless, in my room,
I hear no sound, 'cause I'm lost, cannot be found, 'cause I'm
lost, cannot be found" (In My Room). Un album riche, rythmiques
electroclash, synthés et guitares dehors, revendicateur (le parfois vain
War Extreme V4), au final, à la croisée entre un
N.I.N épuré et une Ms Kittin qui
aurait décidé d'écrire de vraies chansons, une
très
bonne surprise
qu'on aimerait voir sur scène, tant la demoiselle était impressionante
avec ATR.
21
Pan
Sonic Kesto
blast first
Pan sonic revient après une longue absence et pour se faire pardonner
offre aux amateurs un riche panorama de ses talents en 4 cds!
Difficile d'évaluer un tel travail, une telle densité, on pourra
juste souligner l'application avec laquelle le duo finlandais construit ses
ambiances, dans un minimalisme des plus efficaces. Le cd 1 est le plus noisy
des 4, rythmiques indus, sons agressifs et bruits
blancs en tous genres. Pan sonic prend de suite à la gorge et ne relache
pas son étreinte, la mélodie quand elle apparrait, nait dans
le chaos (cf Keskeisvoima/Centralforce) au milieu de rythmiques
qui se calment et groovent pour transcender l'aggressivité des claviers.
L'utilisation de delays très courts sur les beats procurent un sentiment
de déséquilibre, comme si le son commencait à reverbérer,
suggerant l'espace pour finalement mourrir juste après provoquant une
certaine claustrophobie, un ettouffement.Le second disque
reprend les rythmiques minimales des albums précédents du groupe,
les sons se font plus ambients, les esquisses mélodiques sont
réduites au strict minimum (cf Konnat/Toads et son groove
contagieux ou l'inquiétant Light-Transformer), on tient
là vraisemblablement
le disque le plus classique des 4 et de grands moments, en témoigne le
final Arktinen/Arctic construit sur un groove hypnotique, lent,
hanté par des nappes distordues. Le cd trois se focalise sur le côté
ambient , plongeant l'auditeur au beau milieu d'echos et de
silences. Atmosphères inquiètantes, arythmiques, qui donnent l'impression
du calme avant la tempête. Impression confirmée
quand le duo revient à l'attaque avec des pics agressifs (les sonorités
de Käytävä/Corridor ou Ilmenemismuoto/Appearanceform)
qui glacent le sang. Säteily/Radiation unique pièce
du quatrième disque est une longue nappe drone de plus d'une heure, un
voyage dans l'inconscient, une méditation dont les variations sont subtiles.
Il suffit de s'amuser à accelerer le morceau pour
s'apercevoir que la tonalité change tout du long, ce qui n'est pas le
plus évident à première écoute. Inertie de surface,
voilà l'arme
ultime de Pan sonic, celle de laisser croire que sa musique est purement répétitive.
Kesto est un best of sans l'être, un résumé
de l'oeuvre passée qui plante les jalons des années à venir.
Un must.
20
A Perfect Circle eMOTIVe virgin
us
Après
un Thirteenth Step très réussi l'an dernier, et
une série de concerts en demi-teinte, on ne pensait pas revoir A Perfect
Circle
de sitôt. Et pourtant ! Tout juste une année a passé et
voilà que déboule eMOTIVe un disque de reprises
en guise de protestation
contre l'invasion américaine en Irak. Ce disque ne peut être appréhendé
sans avoir écouté les oeuvres originales et pris conscience
du travail accompli par Maynard, Billy et Danny Lohner (collaborateur de Reznor
au sein de N.I.N.). Les morceaux trouvent
ici pour
la plupart une seconde vie, et franchement qui peut prétendre apporter
quelque chose à Imagine de Lennon
et lui rendre ses lettres
de noblesse (splendeur à l'éclat troublé par une surexposition
pour un oui ou pour un non du morceau, ou bien par un pillage en règle
de la part de certains Mancuniens peu inspirés...). Déjà
sur l'album précédent, Maynard et Billy prenaient tout le monde
à revers en
reprenant The
Nurse Who Loved Me
du groupe Failure (groupe dans lequel officiait
Troy Van Leeuwen avant de jouer de la guitare sur
Mer de Nom,
ainsi que Greg Edwards, futur membre d'Autolux)
pour en faire
une espèce d'OVNI, une berceuse perdue au milieu des
guitares saturées de l'album. Annihilation,
brulôt pûnk du groupe Californien Crucifix,
datant de 1984, est servi en ouverture, d'une
voix murmurée, tout juste accompagnée d'un toy-piano. "From
dehumanization to arms production,For the benefit of the nation or its
destruction" Maynard donne de suite le ton de l'album. De chaque morceau
le groupe sait tirer la sève, l'essentiel, pour le reconstruire
et l'éclairer à sa manière. Le Gimme
Gimme Gimme
du Black Flag est aussi agressif que l'originale
mais le tempo ralenti lui donne des
allures martiales, que la noirceur de l'harmonium colore d'une manière
inquiétante. Les paroles de Let's
Have A War
du groupe Fear
sont à peine modifiées pour coller à l'esprit du disque,
celles de Joni Mitchell scrupuleusement
respectées pour un Fiddle
& The Drum
où Maynard prend la liberté d'ajouter de belles harmonies vocales.
Mais la plus belle réussite d'eMOTIVe
est sans conteste la reprise
aérienne du What's
Going On de
Marvin Gaye dont l'adaptation
de Danny Lohner fait ressortir le desespoir et la gravité des paroles
de
que la version originale avait trop tendance à noyer dans son groove
cool. Guitares en delay, harmonies vocales bien senties, program-
-mation (signée Charlie Clouser, encore un des lieutenants de N.I.N.)
qui soutient parfaitement la rythmique de Josh Freese, ce morceau
devient une sorte d'hymne pour les familles des victimes des conflits armés,
ce qui au final rend parfaitement justice à la version
originale, laquelle était en partie inspirée de l'experience du
frère de Marvin qui avait combattu au Vietnam. "War is not the answer,
Only
love can conquer hate". eMOTIVe
est sans aucun doute l'un des meilleurs albums de reprises paru depuis longtemps.
20
Lisa
Gerrard & Patrick Cassidy Immortal
Memory 4ad
Depuis son album Duality
en collaboration avec Pieter Bourque, Lisa
Gerrard, ex(?)Dead Can Dance, avait surtout
fait parler d'elle pour
ses participations à des bandes originales de films hollywoodiens (Gladiator,
Ali
etc...). La voilà qui revient mais en compagnie de
Patrick Cassidy, lui-même compositeur pour le cinéma (Hannibal,
Veronica
Guerin
ou Le
Roi Arthur
sur lequel on trouve l'un des titres
de l'album, Amergin's
Invocation),
ce que certains prendront comme une déception. Déception si l'on
prefere Ms Gerrard entourée
d'ambiances world-ethniques... mais si l'on ne focalise que sur sa voix...qu'importe.
Et puis cet habillage cinématographique est au service
de l'ambiance qu'impose la voix de Lisa, presque au respect. Il y a peu de chanteuses
capables de donner autant d'émotions en parvenant
à échapper à un style. Quand une cantatrice sort du répertoire
de l'opéra souvent elle n'est pas à l'aise, donne l'impression
de trainer sa
formation tel un boulet. Chez Lisa Gerrard on n'a pas ce sentiment, tant elle
sait rentrer dans chaque morceau et s'adapter aux registres.
L'album a un parfum de sacré, peut-être est-ce l'utilisation sur
plusieurs pièces de l'araméen, langue du Christ, qui en est la
cause, toujours
est il que cette musique s'écoute dans le calme et le recueillement.
Abwoon
n'est autre que le Notre Père des chrétiens chanté dans
la
langue antique des peuples nomades sémites, Amanatha
une longue mantra qu'on traduirait par "Viens à nous Seigneur".
Musiques
et voix oeuvrent dans la même direction, celle d'une introspection, d'une
recherche de la présence divine à l'intérieur de nous même.
Même dans ces moment les plus abstraits, ou ceux du domaine du paien,
comme le Sailing
To Byzantium,
inspiré d'un poème de
Yeats, l'ensemble converge vers le magnifique,
vers l'épiphanie au sens de révélation à soi-même.
Dans ce morceau elle prend
l'apparence d'un long crescendo de voix, une suite étirée de sons
inarticulés qui ne trouvent forme concrète uniquement grace à
l'assistance d'une rythmique épique (l'un des seuls moments rythmés
du disque).On navigue ici dans le divin, le parfait, l'infini, une
célébration de la lumière devant Dieu et comme le suggère
le titre final : Psallit
in aure Dei
- Joue ta musique au creux de l'oreille de
Dieu.
19
Piano Magic The
Troubled Sleep Of... green
ufos
Glen Johnson est de retour après un Writers
Without Home sur 4AD qui avait laissé perplexe, se perdant dans
les collaborations trop
diverses. Cette fois l'équipe est plus resserrée autour du Piano
Magic en chef et o nsent une grande unité sur The Troubled Sleep
Of...
Unité vocale d'abord puisque Glen n'est cette fois accompagné
que d'une seule invitée, Angèle David-Guillou, de Klima
et Ginger Ale,
qui vient parfaitement habiller les ambiances glaciales (Help Me Warm
This Frozen Heart) de sa voix claire et assurée (et puis rien
ne vient trahir ses origines françaises). Côté musique la
collaboration avec Jerôme Tcherneyan à la batterie permet un peu
à Johnson
de mettre la programmation de côté, ou du moins de la garder pour
son projet electro Textile Ranch, même
si c'est Saint Marie qui
ouvre l'album est construit sur une rythmique synthétique de très
bon aloi.. The Troubled Sleep Of ... est marquée par une
grande
unité de sons, (à la différence de son prédécesseur)
parcouru de nappes crépusculaires de clavier et des guitares reverberées
de Glen
Johnson et de Franck Alba. L'ambiance est autumnale, parfois plus froide, mais
toujours aérienne, qu'importe la complexité des
arrangements. Ainsi on a la même impression à l'écoute du
final Comets qui ne présente qu'une guitare acoustique, la voix
d'Angèle et
des vagues de synthés, qu'en découvrant l'alambiqué Luxembourg
Gardens, titre hypnotique qui se change en décharge sonique. Sur ce
dernier, qu'on avait déjà découvert sur scène il
y a deux ans, Angèle et Glen chantent chacun à leur tour, la française
apportant une
nouvelle dimension au morceau, ses paroles répondant à celles
de Glen. En live son texte n'existait pas et seul les parties de Johnson
étaient présentes, donnant l'impression d'un morceau bancal, un
instrumental sur lequel on se serait forcé à poser des mots. Dans
ce
sens la présence de la chanteuse est une belle réussite. Ballade
émotionnelle (The Unwritten Law), post rock presque épique
(Speed
The Road Rush The Lights) ou cold wave spectrale (Help Me Warm
This Frozen Heart) , The Troubled Sleep ... dans
sa cohérente
diversité renforce l'emprise de Piano Magic sur une popmusic différente
aventureuse et atmosphérique, tout en consolidant le noyeau
autour du membre fondateur Johnson, laissant augurer de grands jours en perspective.
18 Dresden
Dolls s/t 8ft
Passons peut-être sur le terme Brechtian-punk que servent
les Dresden Dolls à toutes les sauces aux journaleux bienveillants,
cherchons plutôt à savoir ce qui se cache sous la belle pochette
de cet album. Dresden Dolls, Amanda Palmer au piano et à la voix, et
Brian Viglione à la batterie, sur le papier on aurait du mal à
croire qu'il s'agit là d'un groupe rock qui met le feu aux scènes
qu'il écume.
Recréant leur propre univers de bric et de broc en se récalamant
du cabaret, un cabaret qui serait tenu par Tim Burton
peut-être, qui
n'hésiterait pas à mêler le grotesque et le morbide, la
mélancolie et la folie, l'album est un concentré d'émotion.
On navigue souvent
dans les eaux troubles de la confession schyzophrène, par ici on se victimise
(Good Day), on se croit abandonné et on parle aux murs,
ou bien on est folle à interner incapable de vivre dans ce siècle
pour un punky Girl Anachronism avec Amanda qui débite ses
paroles en
quasi apnée, impressionnante, "I dont necessarily believe there
is a cure for this so I might join your century but only as a doubtful
guest / I was too precarious removed as a caesarian behold the worlds worst
accident : I am the girl anachronism !" Le cabaret se
change en cirque de freaks, improbable institution psychiatrique ambulante,
troupe de femmes hystériques: le chantage de la narratrice
de Missed Me, en manque d'affection, Amanda à bout, murmure
puis beugle litteralement, en fait des tonnes, dressant un tableau
obscène,dérangeant et attachant à la foie de la folie ordinaire,
qui fait froid dans le dos: " Missed me missed me now you've gone and
done it / Hope you're happy in the county penitentiary / It serves you right
for kissing little girls but I will visit if you miss me / Do you
miss me? MISS ME?? (...) I miss my mister so !!!!" Entre confession et
mythomanie on ne sait sur quel pied danser. Et on continue
dans le registre sombre avec Half Jack, qu'Amanda dédie
à son père absent, dans lequel la culpabilité rejaillit
sous la forme de
l'héredité, comment accepter de ressembler à celui qui
incarne la lâcheté et la haine ? Le duo fonctionne à merveille,
Viglione
adaptant parfaitement sont jeu pour appuyer le piano, lui donner la encore plus
de pêche, soulignant les inflexions théatrales et
habitées de Ms Palmer. Quand le groupe donne une bulle d'oxygène,
un peu de légèreté c'est pour faire dans l'ironie, Coin
Operated
Boy sous ses allures de chanson presque comique, est juste la manifestation
concrète de l'angoisse d'une jeune fille, celle de
souffrir, celle d'être déçue par le sexe opposé.
Alors on se réfugie dans des rêves de garçon robot, pour
remplacer les vrais qui sont
bien trop ennuyeux... "Coin operated boy all the other real ones that I
destroy cannot hold a candle to my new boy and I'll never
let him go and I'll never be alone not with my coin operated boy...." Tout
ça pour mieux replonger, Bad Habit et l'auto mutilation:
"Pens and penknives take the blame / crane my neck & scratch my name
/ but the ugly marks are worth the momentary gain.../
When I jab a sharpened object in choirs of angels seem to sing / Hymns of hate
in memorandum/ And you might say it's
self-indulgent and you might say it's self-destructive / but, you see, it's
more productive than if i were to be happy"... tout est dit.
En utilisant le piano et la batterie de manière enlevée c'est
le texte qui ressort encore plus, créant un contraste saisissant entre
l'apparente légèreté de la mélodie et la gravité
des mots. Perfect Fit qui dresse un bilan réaliste de la
vie quand on se sent différent,
quand on entre pas dans la norme imposée par la société
(mariage, carrière, enfants etc). Ce n'est pas parce qu'on refuse certains
moules qu'on n'éprouve pas de sentiments pour autant: "Hello, I
love you will you tell me your name? Hello, i'm good for nothing - will
you love me just the same?" implore Amanda en fin de course. Dans sa diversité
à alterner l'ombre et le clair-obscur l'album est une
totale réussite, reposant principalement sur les mots d'Amanda et la
faculté des deux musiciens à les habiller. On passe de la
nonchalance, l'apparente gaieté de Jeep Song, à
la noirceur de Slide qui raconte le viol d'une petite fille. Les
Dresden Dolls
surprennent, innovent, font preuve d'ingéniosité dans leur manière
d'aborder les thèmes, celui de la rupture se transforme sur
l'imposant Truce en sommet de chefs d'état où l'on
se découpe les pays à grand coups de couteaux dans le dos. On
essaie de
partager les torts, les peines ("W'e 'll call it even") mais la discussion
prend vite les allures de défaite: "I am the ground zero ex-friend
you ordered / Disgused as a hero to get past your borders/ I know when I'm wanted
I'll leave when you ask me to / Mind my own
business and speak when I'm spoken to" On prefère perdre son honneur
et sa liberté que de perdre l'être aimé... Mais dans une
furie
dévastatrice Amanda clôt les débats, au milieu d'inquiètantes
montées de cordes " I am an accident waiting to happen I'm laughing
like
mad while you strangle the captain / My place may be taken, but make no mistake
/ From a little black black box I can say without
shame that you've lost / Do you know what you've lost? " On reprend ses
billes et on attaque, les mots s'échauffent, les phrases cinglent
comme des balles quand Amanda éclale, hurle, et que le tempo de Brian
s'accelère: "So take whatever you'd like, I'll strike like
the States on fire / You won't sleep very tight, no hiding no safe covers /
Make your bed and now lie just like you always do / You can
fake it for the papers but i'm on to you....I'M ON TO YOU" Truce
est un bouquet final, une explosion, un sabotage, plutôt faire tout
péter que de se rendre... Les Dresden Dolls réussisse à
imposer leur musique décalée en étant vrais, sincères
et en servant leurs tripes
sur un plateau. On pense à la Tori Amos
de Boys For Pele, le charme des arrangements minimaux, le coal
qui souligne
les phrases, une Fiona Apple qui aurait
mis de côté le côté jazzy propret pour un goth rock
au piano, la violence de Ms Love sur le
premier album de Hole. Amanda et Brian illustrent
les errances de l'âme, les traumas de la vie avec une classe toute particulière,
ici blessures et cruauté, chagrins et mauvais souvenirs co-habitent,
main dans la main.
17 Max
Richter
The Blue Notebooks fat
cat
"Le
monde intérieur ne peut pas
pas être décrit, il n'est que
vécu" (Franz Kafka - The Blue Octavo Notebooks)
Difficile de décrire l'album
de Max Richter, The Blue Notebooks car lui même parle d'introspection,
de monde intérieur. Richter,
compositeur allemand établi à Londres, grand admirateur de Philip
Glass, Steve Reich, Brian
Eno ou Arvo Pärt, mais aussi
des Beatles,
Pink Floyd ou Clash,
il a collaboré avec les Future Sound Of London
sur deux albums et sorti un premier album sous son nom en 2002,
The Memory House, parfait mélange de musique néo-classique,
mais n'hésitant pas à y integrer des éléments symphoniques
ou vocaux
(sur le morceau Sarajevo par exemble, cascade de cordes et soprano
en avant) et de field recordings.
Néanmoins l'album sonnait assez
sage en comparaison à ce Blue Notebooks, plus aventureux
et atmosphérique. L'actrice Tilda Swindon
y lit des passages de Kafka ou
Milosz au son du cliquetis d'une machine
à écrire. Les passages instrumentaux sont assez minimalistes (au
plus l'orchestre ne comporte
que 2 violons, 1 alto et 2 violoncelles, Richter s'occuppe du piano et des éléments
éléctoniques) et toujours entrecoupés de bruits extérieurs
comme pour insister sur le fait que ce monde intérieur n'autorise pas
un accès facile et qu'à tout moment on est rejoint par le réèl,
le concret.
A la différence d'un Craig Armstrong
qui a souvent tendance à trop en faire Max Richter sait se contenter
du juste minimum... La mélancolie
des cordes de On The Nature Of Daylight s'étire sur près
de 6 minutes bouleversantes, évoquant tant d'images en chacun d'entre
nous.
Tant d'images. Par ses compositions Richter parvient à créer un
monde intérieur, à bouleverser celui de chacun de ses auditeurs.
Les
courtes pièces de piano comme The Blue Notebooks, Horizon
Variations, ou Vladimir's
Blues ont un fort potentiel
cinématographique,
on pense au travail de Michael Andrews sur
la B.O de Donnie Darko. Shadow Journal est une longue
pièce ambient de 8 minutes
sur laquelle danse un violon sur fond de boucle synthétique, bientôt
rejoints par un clavier discret et un beat sourd en écho... jusqu'à
être
dérangés par les croassements des corbeaux. Iconography,
qui utilise des choeurs plein de reverb juste soutenus par un orgue, ou
Arboretum et sa rythmique
minimale electronique, inscrivent l'album dans un registre définitivement
différent de son prédecesseur et de
la composition classique. The Trees y revient un moment dans un
bel élan de piano et de cordes des plus dramatiques en évitant
soigneusement de s'égarer sur les chemins sinueux de l'emphase.. The
Blue Notebooks se referme sur un poignant Written On The Sky
exécuté au piano comme la conclusion d'un rare moment
de grace et d'introspection évocant autant les compositeurs reconnus,
de Nyman à Glass, que les musiciens
de la scène indé, Sylvain Chauveau
ou Matthew Cooper (Eluvium) en tête.
Richter impose son
minimalisme pour charrier un maximum d'émotions. Une pure réussite.
16
The
Dead Texan s/t kranky
En vacances forcées de Stars
Of The Lid (Brian McBride résidant aux US, alors que son alter
ego est à Bruxelles), Adam Wiltzie se
consacre à son projet The Dead Texan qui, soyons objectif, ne diffère
pas tellement de l'approche musicale des Stars. L'introduction
même du disque (avec le morceau The 6 Million
Dollar Sandwich) rappelle Aix Em Klemm,
projet ephémere d'Adam avec Robert
Donne de Labradford , même nappes
de claviers qui vont et viennent. L'album présente aussi le travail de
la videaste Christina Vantzos
sur un DVD. Concept déjà exploité sur l'album de Pan
American et qui colle particulièrement à ce genre musical.
Dès le second titre on
perçoit les touches personnelles que Wiltzie a voulu donner à
ce projet: formats courts, instruments plus marqués (Wiltzie trouvait
ces
morceaux trop "agressifs" pour le répertoire de SOTL!!!) et
présence de voix spectrales. Pas d'inquiétudes à avoir,
à l'instar de Stars Of
The Lid, la musique de The Dead Texan flotte en apesanteur, délicate
et intemporelle, elle s'en démarque dans ses structures qui sont
plus complexes, à savoir que Wiltzie n'explore pas uniquement de longues
parties drone mais construit des suites d'accords, laissant
quelques espaces pertinents aux dissonances. Dans ce sens on est plus proche
de quelqu'un comme Harold Budd
période
The Pearl
(sur le When I See Scissors...au piano très présent)
que d'Oren Ambarchi, artiste
australien créant de longues pièces drone à base
de guitares retravaillées via l'électronique. En somme un disque
très accessible et extraordinairement beau.
15 Woven
Hand
Consider The Birds glitterhouse
Pendant que 16 Horsepower
est en vacances, David Eugene Edwards continue ses explorations solitaires sous
le nom de Woven Hand.
Du moins pas si solitaires que ça puisqu'il est ici assisté de
trois compagnons pour un Consider The Birds,
lui offrant un maximum de
souplesse dans l'interprétation de ses chansons. Tout sur ce disque n'est
que tension et noirceur retenue, on sent les ambiances de
l'Ouest américain, chères au coeur de ce natif des Rocheuses,
celle des duels au pistolet, des vautours qui plânent dans le désert
et
de prêcheurs hallucinés. Consider
The Birds ou la quête solitaire d'un homme
priant pour sa redemption, ici on expie ses pêchés, ses
démons, ses erreurs. "I will you no grief no to see you fall Once
had a mind to I'm done with that / I'm done with that I mean you no harm
at all" chante Edwards sur le refrain de Sparrow
Falls, morceau d'ouverture de l'album. On est un
peu sur les terres du folk de
Johnny Cash, musicalement Woven Hand puise
peut-être plus dans la tradition en utilisant le violon ou le banjo. Violence
du propos,
Dieu tout puissant que l'on craint et respecte, comme dans To
Make A Ring : "Crow eye come see, The Lord
will not be mocked,
Not by you or me" ou dans le magnifique Chest
Of Drawers (aride et mélancolique comme
un Toxic Angel de
Joseph Arthur):
"Go into the Lord's house And go in a mile / The world will bow, The knees
will be broken for those who don't know how / He delights not
in the strength of horses, He takes no pleasure, not in the legs of men".
Le tout habillé d'ambiances sombres (nappes d'orgues, piano
filtrés, accordéons, se mêlent aux instruments conventionnels)
qui révèlent le soin tout particulier avec lequel ont été
élaborées ces
chansons, au délà de l'écriture on a choisi de leur donner
certaines couleurs, de les impreigner des images évoquées par
la voix
d'Edwards, par chacune de ses inflexions, de ses envolées habitées.
Consider The Birds
est un mirroir de l'âme noircie de son
compositeur. Celui qui, dans Into The Piano,
se
décrit ainsi "There's a wolf in the piano, On the white keys / Teeth
on the back
Dry bones under animal skin am I, No tears from this eye"
donne des frissons. Le morceau, qui referme le disque, montre un homme
brisé, à la recherche du salut divin : ici "I pray him come
I pray him soon" fait écho au "Yeshua Where you go take me
with thee"
de Oil On Panel, un
cri desepéré de la brebis égarée qui cherche à
rejoindre son berger. Consider The Birds
n'est pas un disque de
vacances, un projet anodin, il est la continuité du combat interne que
livre David Eugene Edwards, un disque résolumment humble
et habité.
14
Destroyer
Your
Blues merge
J'étais resté sur un souvenir assez
mitigé des précédents albums de Daniel Bejar, a.k.a. Destroyer,
quelque chose qui sonnait autant
folk que glam, trahissant peut-être un goût prononcé pour
le Bowie des débuts. D'un côté
des compos brutes, intimistes, de l'autre une
débauche d'arrangements limite kitsch: faute d'orchestre Bejar se contente
de synthés. Pas vraiment de changement sur ce nouvel
album, Notorious Lightning attaque dans la même veine, voix
théatrale (pensez Bowie, Anderson ou même Sopor
Aeternus ! ), et
gros riffs de synthés (les arrangements de Don't Become The Thing
You Hated en feront sourire plus d'un!)... Et puis au fil des
écoutes, ce glacage un peu trop sucré se dissout et laisse apparaitre
un tout autre plat, des compos tout en émotions, et un sens
aigue du songwriting. On pense à Luke Haines (The
Auteurs), au premier album de l'un de ses projets,
Black Box Recorder ,peut-être
Hawksley Workman
aussi, la surexposition médiatique
en moins...
Il n'y a qu'à se laisser frissonner sur le titre éponyme de l'album,
pierre angulaire du disque, qui révèle une production cheap (le
bon
souffle du micro voix lors du premier couplet a capela), pour un morceau dépouillé
mais enrobé de piano en reverbs et de
trompette delayée (enfin il s'agit vraisemblablement d'un synthé...).
Ce "Lord knows I've been trying" qui flotte, reste en suspens,
comme s'il attendait une réponse, une confirmation. Bejar y chante de
façon particulièrement touchante, de même sur Certain
Things
You Ought To Know le morceau qui referme Your Blues, qui
contraste avec le ton enjoué de New Ways Of Living (et
son intro aux
relants de chansons traditionnelles celtes). Pourtant du côté des
paroles il n'y a rien de très enjoué, c'est plutôt un ton
blasé qui domine,
les petites pics d'humour prennant l'allure du cynisme,ou une espèce
de poésie illuminée qui rappelle Mercury
Rev ("All a dagger can
ever be is a ship against the sea turning to snow"). Membre du groupe The
New Pornographers (aux côtés d'autres artistes prolifiques
en parallèle: A.C. Newman ou Neko
Case ),
Destroyer est réputé pour ses prestations live. Sa récente
acointance avec les très
emphatiques Frog Eyes en tant que backing-band
laissent augurer de bons moments de scène qu'il ne faudra rater sous
aucun pretexte!
En conclusion: ne vous laissez pas effrayer (écoeurer?) par l'enrobage
un peu indigeste de la musique de Destroyer, il y a de vraies
bonnes choses chez cet homme à condition de lui laisser sa chance.
13
Mountain Men Anonymous
Krkonose
my
kung fu
Débarqués
de nulle part, enfin si du Pays de Galles mais bon c'est tout comme, voilà
un groupe qui pourrait très vite faire parler de lui
sur nos terres. Originaires du Gloucestershire mais bien vite partis vers Cardiff,
les Mountain Men Anonymous proposent un rock à
dominante instrumental dont les contours sont très personnels. Chez ce
trio on trouve autant d'influences dites post rock (avec son
lot de courses épiques) que de rythmiques électroniques, de nappes
synthétiques et de distortions agressives. Pour l'apport de
l'electronique et la tonalité générale de l'album (noire
et etouffante) on pourra peut-être rappeller le nom des excellents oxoniens
de
Meanwhile Back In Communist Russia. De ci
de là si l'on parvient à rapprocher tel son de tel groupe, Xanexxx
avec sa rythmique
épileptique programmée et ses poussées de samples (des
cuivres triturés apparremment) rappelle le travail de Mogwai
sur Sine
Wave (mais les ecossais n'ont jamais réellement
poussé plus loin que ça preferant se replier sur de tristes vocoder
pour la suite),
Quim ou Bringing
Out Your Dead dans deux registres différents,
l'un avec piano et nappes d'orgues, l'autre sur de belles guitares
delayée, évoquent Sigur Rós,
voix spectrales lointaines et traffiquées qui font froid dans le dos.
Par moments on rapprochera le son
des Mountain Men Anonymous de celui des finlandais de Magyar
Posse, pour le côté épique et cinématographique
de We Stole Your
Rhyming Dictionnary, avec sa batterie énorme
sur fond de nappes de claviers et de guitares soutenues par une belle basse.
Le musclé
et bien nommé Dolph Lundgren
présente le groupe sous un autre jour, toujours impressionnant côté
rythme, les guitares se font aussi ici
plus méchantes, avec un côté Aereogramme
du meilleur effet. Mais au delà des comparaisons il demeure un sentiment
d'homogénéité
qui contribue à l'identité propre de l'album, comme si le groupe
avait réussi à créer son propre style, produisant des morceaux
riches
qu'ils s'attellent à brouiller, noyant les instruments pour n'en faire
que des nappes (dans ce sens Krkonose
rappelle le Your Life Is In
Danger des anglais de Moly
il suffit d'écouter les delay sur la batterie et la grosse basse de Weep
pour faire le parrallèle). En attendant
de les voir sur scène, déguisés en Jason de Vendredi
13, masques de hockey sur le visage, ne boudez
pas votre plaisir de découvrir
cet album surprenant.
12
The
Organ Grab
That Gun mint
records
De cracher sur le nouvel Interpol,
du moins ne pas l'acclamer à la hauteur de certaines critiques bien pensantes,
choisir un disque
comme Grab That Gun qui revisite à sa sauce Cure,
Joy Division et les Smiths
pour dire qu'on tient là l'une des bonnes surprises de
l'année,
ne serait-ce que pure provocation ? Oui et non. Il y a quelque chose de totalement
jouissif à écouter Brother, tube qui ouvre
l'album, ou de dodeliner de la tête sur les handclaps de Love,
Love , Love et de le faire en étant pleinement conscient d'être
en 2004,
une époque où il fait bon célébrer tout ce qui fleure
le début des 80's (et Dieu sait qu'on s'en tape des merdes pour ça...Y'a
qu'à
écouter The Killers, dernière
sensation dans l'air du temps...tsss). Jouissif donc, tant la musique de ce
groupe de filles de Vancouver
respire l'honnêteté qu'elle en est touchante. Avec une certaine
naïveté on pourrait dire, Katie Sketch et sa bande enquillent les
tubes
de la la
plus simple
des manière , une guitare tendue, sèche comme
savait les faire Bernard Sumner à l'époque de Joy (tradition
que perpétue Daniel Kessler d'Interpol), une basse ronde, bien présente,
funambule, qui évoque les premiers Cure (sur
le très enlevé I Am Not Surprised c'est une évidence,
et quand les guitares s'y prêtent aussi, sur Memorize The City
on est troublé ),
une rythmique sans fioriture, simple mais efficace, et puis cette orgue, façon
orgue de patinoire, nostalgique, le tout au service d'une
voix... Et quelle voix... un curieux mélange entre Morrissey,
Robert Smith et Claudia Brücken de Propaganda,
qui procure à l'album
une bonne partie (toute?) de sa personnalité. Mélancolie et nostalgie
semblent être les sentiments dominants sur Grab That Gun,
un album qui file à toute vitesse (29' pour être précis)
célébrant l'urgence du propos, ayant compris que faute d'avoir
des choses
profondes à raconter autant ne pas s'éterniser au risque de lasser.
The Organ surprend, intrigue, on demande à voir la suite même
si une petite voix au creux de l'oreille nous dit qu'il ne faut pas trop en
attendre, la voie sur laquelle s'est engagée le groupe ayant
toutes les allures d'une voie sans issue... Capitalisons donc sur cet album
et prions pour que les filles parviennent à se détacher
de certaines influences trop évidentes, pour atténuer l'image
revival post punk tendance corback qui risque de vite leur coller
aux bask'...
11
Castanets
Cathedral asthmatic
kitty
Castanets,
groupe mené par Raymond Raposa, est arrivé de nulle part avec
cet album Cathedral, amené au grand public par le label
Asthmatic Kitty, à qui l'on doit les disques de Sufjan
Stevens et de la Danielson Familie.
Raposa s'est entouré
de grands noms de la
scène indé de San Diego dont il est originaire, pour créer
une musique
atemporelle aux accents folk, country du bayou, une musique
qui prend souvent des accents sombres et hantés, rapprochant le groupe
d'une autre formation de San Diego: The Black Heart
Procession (période premiers albums). Autour de lui le songwriter
peut compter sur l'assistance de Bridgit Decook,
chanteuse signée sur
Asthmatic Kitty et qui procure des choeurs délicats, de Pinback,
d'ex Tristeza, ou de Liz
Janes (songwriter produite par Sufjan Stevens
et collaboratrice de Black Heart Procession). Arrangements minimaux, production
délicieusement bancale pour ambiances sépulcrales,
Cathedral est un petit bijou. Enregistrée dans une cabane
au fin fond des forêts de la Californie du Nord, on sent la musique qui
s'est
terrée à l'abris du soleil, qui a grandi dans l'ombre. La végétation
des morceaux est éparse, les instruments apparaissent par touches
discrètes (orgues, scie musicale (?), larsens divers) ponctuant les mots
de Raposa de la meilleure manière. L'enchainement de You Are
The Blood, mélopée sous psychotropes, et de No Light
To Be Found, aux allures plus classiques mais aux arrangements toujours
aussi
pertinents (on pense au post-folk (!)de Scott Chernoff de Molasses)
est des plus réussis. Belle illustration des qualités de l'album,
capable
de rappeller le connu tout en s'en éloignant furieusement, emmenant l'auditeur
vers des terres plus sauvages, des climats plus arides.
Même si sur certains passage Castanets pourra se révéler
des plus accessible à l'amateur de country-folk bouseux, comme sur As
You
Do, peut-être le morceau le plus "commun" du disque,
ballade aux accents country que seule la production minimaliste de l'album parvient
à arracher aux griffes de la normalité. Plus originale que celle
de Will Oldham, plus éphémère,
fragile et bancale qu'un Songs:Ohia,
moins enlevée qu'un Calexico, l'americana
de Castanets s'est fait une place dans l'ombre, apportant une nouvelle dimension,
une fragilité
et une noirceurn à une musique un peu trop souvent pépère...