TOP 2004
<100-76> <75-51> <50-26> <25-11> <Top 10>
50
Mark Lanegan Band
Bubblegum
beggars
banquet
Mark Lanegan. Un nom comme un fantôme... comme si on
soufflait sur le cadre d'une photo jaunie pour en ôter la poussière
des ans.
Les noms résonnent dans les têtes... ces noms de groupes qui ont
tout enflammé d'un seul coup entre 90 et 92, poussant à leur
tête le martyr Cobain. Ces rockers
sans concessions sont pour beaucoup soit partis sous des horizons moins glorieux
(Chris Cornell
de Soundgarden et son piteux essai chez
Audioslave) soit dorment six pieds sous
terre (Layne Staley d'Alice In Chains)
Lanegan a su s'entourer de grands noms: Izzy Stradlin des GnR,
Troy Van Leeuwen, ex Failure et ex A
Perfect Circle, son pote Greg Dulli
ex Afghan Whigs et maintenant en solo au
sein des Twilight Singers, ses deux anciens
compères des Queens Of the Stone Age,
Josh
Homme & Nick Oliveri etc... L'écoute de When Your Number Isn't
Up, qui ouvre Bubblegum, suffit à savoir à
qui l'on a affaire. La voix
de Lanegan est râpeuse et racée, comme celle d'un Tom
Waits; elle articule les mots comme si elle les taillait dans une
pièce de bois
brute. L'orgue fantomatique la boite à rythmes et la basse ronde soutiennent
le tout de la meilleure manière, à peine troublés par les
sons de guitares distordues qui viennent percer le calme juste après
le pont. "And where are your friends? They've gone away /
It's a different world, they left you to this / To janitor the emptiness / So
let's get it on", lance un Lanegan sûr de lui, renforcé par
les
épreuves qu'il a traversées. La messe est dite. Le reste de l'album
oscille entre pépites rock évoquant le désert
des Queens Of The
Stone Age: Hit The City
avec P.J. Harvey , le musclé Sideways
In Reverse, ou le rythmé et saturé Can't Come Down;
et morceaux
moins expansifs: Wedding Dress et son groove hypnotique à
la Bad Seeds, le bluesy Like Little
Willie John, le très habité One Hundred
Days et ses accents western, ou l'aérien Come To Me
encore en duo avec Polly Jean dont le phrasé se marie à merveille
avec la voix au
papier de verre de Lanegan. Bubblegum est un album maitrisé
qui met parfaitement en valeur la voix et les mots d'un revenant, d'un survivant,
la preuve définitive d'une résurrection. On relèvera enfin
Bombed, court interlude acoustique qui mêle les voix de Mark et
son ex-épouse,
l'actrice Wendy Rae Fowler, qui montre Lanegan
à nu, touchant dans sa franchise: "I see the smoke from a revolver,
will I get hit, I hardly
care /When I'm bombed I stretch like bubblegum / And look too long straight
at the morning sun" .D'où le titre du disque...
49
Daniel
Darc Crêve
Coeur labels
Daniel Darc est un revenant. Ancienne égérie
de la pop synthétique des années 80 (aux côtés de
Mirwais dans Taxi
Girl) il n'avais pas
sorti d'album depuis Nijinsky
en 1994. Entre temps il s'était essayé à la littérature,
traduisant même quelques nouvelles de Burroughs,
et collaboré de ci de là, mais on le croisait de plus en plus
à la dérive parmi la communauté punk ou anar squatteur
parisienne. Sa rencontre
en 2003 avec le compositeur Frédéric
Lo ressemble à un sauvetage en règle, Darc revient
à la vie et à la musique. Ses textes sentent la
déprime mais dénué d'appitoiement ("il est trop tard
pour les remords" chante t il sur Inutile
et hors d'usage). Les arrangements sont
loin d'être rock, loin des guitares de Nijinsky,
Crève-coeur
est un disque entre chanson et rock froid, qui ne rechigne pas à faire
intervenir
l'electronique (le côté trip hop de l'ouverture
La Pluie qui tombe), comme pour laisser au maximum
les textes de Daniel prendre leurs aises,
ne pas étouffer les mots. La voix hantée, légère
mais abîmée, trimballe un spleen contagieux, entre phrases parlées
et à peine chantées,
on n'est pas si loin d'un Arab Strap à
la française, d'un Miossec détaché,
froid, glaciale même. Elegie 2
et sa rythmique en boucle des
plus sombres,ou l'electro
froide d'
Un peu c'est tout,
les flutes qui laissent juste Darc parler "Parfois je ne sens rien, Je
perds l'équilibre
et c'est tout / Parfois le matin je me réveille A genoux / Tout bascule
en arrière Quelques larmes de verre / Se brisent de dégoût
Me paralyse un peu c'est tout"). L'un des seuls contre-pieds du disque
est le très pop Mes Amis,
car même si Je me souviens,
je me rappelle emprunte un tempo plus soutenu,
il revêt un parfum de nostalgie, en jouant la carte d'arrangements qui
rappellent
des standards des années 60, mais pas les années yéyés,
plutôt des morceaux d'Aznavour ou
du Gainsbourg des débuts.
Darc se montre impeccable tant dans l'écriture et rayonne dans la douleur,
comme s'il quittait l'ombre pour la lumière. Ainsi la rupture
évoquée dans Rouge Rose,
devient espoir et renouveau, comme le choix du Psaume
23 pour conclure son album: "Le seigneur est
mon
berger, Je ne manque de rien / Sur des prés dherbe fraiche Il me
fait reposer / Grâce et bonheur maccompagnent. Tous les jours de
ma vie /
Jhabiterai la maison du seigneur Pour la durée de mes jours".
Au délà du disque le pari est déjà gagné,
Darc est revenu des enfers,
il est parvenu à renouer avec l'écriture, il est noir, incisif
et critique envers lui-même, et surtout plein d'espoir. Alors comme en
plus ses mots
se voient habillés d'étoffes rares et délicates on ne peut
que se réjouir.
48 Devendra
Banhart Rejoicing
In The Hands/Niño Rojo xl
Sur son précédent album, le barde à la
dégaine christique (comme Sufjan Stevens
il a hérité son prénom d'un gourou),
Devendra Banhart, avait tendance à partir dans tout les sens, revendiquant
au maximum le côté lo-fi de ses compositions.
Le monsieur s'offre le luxe de sortir deux disques en 2004 et apparait sous
un jour plus sage et résolumment plus accessible.
On navigue dans un blues-folk très minimaliste, le plus roots étant
certainement l'album Niño Rojo,cette simplicité
dans la
musique, ce dépouillement des compositions contraste avec les élans
vocaux de Devendra qui sonne complètement
halluciné. On est pas loin de l'univers des Great
Lake Swimmers ou d' Iron & Wine,
si ces messieurs ne dormaient pas
en chantant (!!!). Le gars Banhart, totalement possédé par ses
morceaux, ressuscite un folk qui emprunte autant à
Neil Young qu'aux racines blues americana
des années 20.Mais aussi dans sa manière décalée
de chanter et d'interpréter,
il rappelle la folie douce de Syd Barrett,
et impressionne de par sa versatilité vocale (registre étendu,
intonnations multiples).
Lorsqu'on sait que certains de ces morceaux passés étaient lo-fi
au point d'être enregistrés sur un répondeur téléphonique,
et qu'on écoute certains arrangements (minimalistes certes) de ces deux
albums, on peut aisémment deviner que
Devendra va encore affirmer son style sur les prochains disques et façonner
ses morceaux d'une manière encore plus
personnelle et habitée. Un avenir radieux se profile...
47
Tanakh
Dieu
Deuil
alien8
C'est avec une grande impatience que j'attendais la suite
du très intrigant Villa Claustrophia de 2002, tant j'avais
été séduit par son
habile mélange de folk americain et de drone indienne. Jesse Poe, épaulé
par Dave Lowery (de Cracker),Ned Oldham
(le frangin de M.
Bonnie Prince Billy déjà présent
à l'époque de Palace), Nirmal
Bajekal (chanteuse indienne ayant collaboré avec Ravi
Shankar) ou en-
-core Mick Turner, guitariste de Dirty Three,
parvenait à créer une musique mêlant son amour du songwriting
aux dangers de l'improvisa-
-tion sonore. Au final les critiques évoquaient Spiritualized
ou même Pink Floyd période
Echoes.... Alors après une première écoute
de
ce nouvel opus, Dieu Deuil, c'est la surprise et la déception
qui priment. Le côté improvisé, indianisant a totalement
disparu, laissant le
côté folk-americana prendre le dessus, même si Poe n'hésite
pas à étirer ses compos, quitte à passer par de longues
plages instrumen-
-tales. Au fil des écoutes on s'y fait, on navigue plus du côté
de Calexico (comme sur Exegesis)
que d'hrsta (auquel on pensait parfois
sur le premier album pour la place donnée aux ambiances pour soutenir
le songwriting) et certains morceaux se révèlent carrément
addictifs (le monotone mais illuminé Lady Eucharist ou
le morceau d'ouverture, November Tree) Seul Images,
dont les sons évoquent
Shalabi Effect semble jurer avec le côté
homogène du disque. On regrettera que cet album soit un peu trop sage,
à peine rassurés par
la seconde réalisation de Tanakh cette année, toujours chez les
Canadiens d'Alien8, un double album éponyme qui renoue avec l'expe-
rimental,
mais dans un style moins ambiant que Villa
Claustrophobia, évoquant plus la cacophonie et la perte de repères,
à la manière
des travaux les moins accessibles de Jackie O'Motherfucker
ou Vibracathedral Orchestra. Ce second album
semble plus être une
performance live qu'un réel travail sur la longueur... En attendant la
suite... Jesse Poe n'a peut-être pas encore fini d'étonner.
46
Loscil
First
Narrows kranky
Scott Morgan, musicien de Vancouver, nous convie pour un nouveau
voyage sonore. Sur l'impeccable Submers il
explorait les fonds
marins, ramenant l'humain au stade uterin, baignant dans une ambiant electronique
au nappes chaudes et reconfortantes. Le parfait
album pour s'endormir. First Narrows joue
dans le même registre en confrontant ses sons synthétiques à
un Fender Rhodes, quelques
touches éparses de guitare électrique et un violoncelle. Le résultat
est plutôt convainquant, on pourra le situer à la croisée
des chemins
d'un Polmo Polpo et d'un Pan
American. On aura peut-être juste l'impression
d'être moins immergé dans la musique que sur son précé-
dent album, néanmoins ce retour à la surface est tout à
fait recommandable.
45
Tim Hecker
Mirages alien8
Tim
Hecker est passé maitre dans l'art d'empiler les parasites et bruits
divers pour en faire l'ossature de son electro ambiant. Mirages
est constitué de courtes pièces qui poussent à l'introspection,
au voyage intérieur. De ci, de là, parmi les mirages on reconnait
les dé-
pouilles de guitares, de basses, qui ont été usés jusqu'à
sonner de manière très singulière. On pense à Philip
Jeck en plus aérien
(l'inquiétant-et bien nommé-Balkanize You, semble
presque être un hommage), à l'album
de Porn Sword Tobacco ou
à
Christian Fennesz le côté
pop en moins (ici on ne peut pas dire que les compos se détachent les
unes des autres, mais plutôt qu'elles
contribuent à créer une ambiance globale autour de l'album). A
conseiller aux amoureux des musiques trippantes ou aux amateurs de
bidouilleurs de sons.
44
Blonde
Redhead Misery
Is A Butterfly 4ad
Blonde Redhead avait frappé fort en 2000 avec un splendide
Melody Of Certain Damaged Lemons,
qui parvenait à mêler leur rock
avant gardiste, inspiré par Sonic Youth,
avec leur goût prononcé pour la pop. Cerise sur le gateau le groupe
était redoutable sur scène.
C'est donc avec excitation que les fans attendaient des nouvelles de Kazu et
des jumeaux Pace. Avec Misery Is A Butterfly
Blonde
Redhead s'affirme au travers d'arrangements pop classieux (les cordes de ???)
au risque de dérouter les fans des Bipolar ou Symphony
of Treble (tous deux sur l'album de 97 Fake Can Be Just As Good).
Alors on se gave de ce disque jusqu'à ne plus en pouvoir... car c'est
là son grand défaut: il a du mal à résister au temps.Tout
y parait joli et soigné mais un poil trop parfait et au final on ne peut
s'empêcher
de le comparer à son prédecesseur et regretter l'absence de titres
aussi intelligents que In Particular, Melody Of Certain Three
et
Hated Because Of Great Qualities toutes les trois enchainées s'il
vous plait! Premier album sur le légendaire label 4AD, Misery...
aura au moins au l'avantage de faire découvrir le groupe à un
public plus large. Avantage?
43
Shannon
Wright & Yann Tiersen s/t
vicious
circle
Année chargée pour Shannon Wright avec la sortie
de deux albums, l'un sous son nom, Over The Sun,
l'autre en collaboration avec
Yann Tiersen. Si le premier m'a bien moins touché que ses productions
précédentes, trop diffus, trop vindicatif vocalement et pas
assez nuancé, le duo m'a rabiboché avec la dame. Les deux titres
qui ouvrent l'album sont tout simplement magnifiques... No
Mercy
For She, piano glacial sur lequel Tiersen pose
son violon (plusieurs pistes en fait dont une en pizzicato), la voix de l'américaine
est un
murmure "She called his name/No mercy at my feet", lancinante, presque
à bout de souffle, elle traine tout le desespoir de l'âme. Titre
tout de suite suivi par un Dragonfly
mélancolique à souhait grace à l'accordéon du français
et un jeu de guitare acètique des plus
intelligents de Ms Wright , voix toujours aussi diaphane (le registre que je
prefère chez elle, plutôt que la rageuse que l'on compare trop
souvent au P.J Harvey des débuts...):
"On the day that we met I awoke from a total sleep/ You said keep your
eyes open wide /
And keep my arms open wide/ You brought me courage". On sent dans la voix
de Shannon une espèce de dévotion, de reconnaissance
envers cet ami qui l'a relevée, lui a tendu la main. Echo à une
autre chanson de l'album, Ode To A Friend
aux arrangements de piano
(très Satie par moments), marimba
et de cordes, qui semble s'adresser à la même personne... While
You Sleep est un titre qui reprend
les guitares acérées auxquelles nous a habitués Shannon
Wright, les mêmes qui se font à mon avis trop systématiques
sur
Over The Sun, et que
n'arrange pas la production trop brute de Steve Albini
. Sur ce morceau l'apport de Tiersen transforme la chanson
en une espèce de Hangedup chanté,
la rage au dehors, qui contraste avec le caractère introspectif des précédentes
compositions.
Car cette collaboration est tout de même placée sous le signe de
la retenue, trop diront les amateurs de l'américaine, ou les détracteurs
du breton, force est de constater qu'ici tout est dans la nuance, dans la manière
de laisser les mots et les notes en suspens
(comme sur Ways To Make You See
et sa longue interrogation "Do you touch her like you touch me / Do you
corrode her like you
corrode me?"), et que la formule fonctionne très bien comme ça.
On sent l'échange entre les deux musiciens, et même si sur la longueur
certains titres s'essoufflent, il demeure sur cet album, quelques perles noires
de toute beauté qui a elles-seules justifient qu'on passe
un moment au creux de la douce mélancolie de ces deux artistes.
42
Interpol
Antics matador
Avec
le coup de maître Turn On The Bright Lights, Interpol faisait
rêver, ajoutant un côté aérien à la noirceur
des groupes du revival
post-punk, sans rechigner sur le contenu: mélodies et sens des arrangements
efficaces. Voilà que revient le groupe avec un nouvel
album plus qu'attendu... Mais que dire au sujet d'Antics ? Passée
la barrière de la pochette (mais qui a pu trouver ce concept
séduisant???) on s'attaque au plus difficile:évaluer la musique
d'un second album, celui qui bien souvent a été construit dans
l'urgence
sur la route en ayant à faire face au succès et à la notoriété
grandissante... Que dire donc...? Qu'Antics contient des tubes, des morceaux
à gros potentiels radiophoniques (Evil, Slow Hands,
C'mere) mais est-ce bien ce qu'on attendait des new-yorkais? Où
sont passées les
envolées éthérées d'Untitled ou les guitares
de Leif Erikson ??? Oh bien sûr les structures exigeantes,
loin des sentiers pop, subsistent
par moments (Take You On A Cruise et son e-bow ou Not Even
Jail, véritable tuerie de l'album, à cent lieues du formatage
FM), mais
dans l'ensemble on ne ressent pas grand chose... Interpol à de nouveau
les pieds sur terre et la tête bien sur les épaules, sur Antics
on remue les pieds sur le groove impressionnant de Carlos D. et Sam Fogarino
mais rien de plus... Rien ne transcende ou ne transporte.
Les singles accrocheurs sont là mais manque le côté incisif
et jouissif des PDA, Precipitate ou Obstacle
1... Le groupe s'embourbe
dans des ballades pas toujours inspirées, si le très rétro
Next Exit passe bien comme intro, Public Pervert
casse véritablement le peu
de dynamique de l'album... La fin du disque est une grande déception,
avec une version de Lengths Of Love bien moins percutante qu'en
concert sur la tournée de 2003, et une relecture inutile de A
Time To Be So Small, titre qui figurait déjà sur le premier
EP autoproduit du
groupe en 2000... Alors oui sur l'ensemble Antics est d'un niveau
globalement supérieur à ce que sortent pas mal de groupes en ce
moment, mais ne ressemble pas vraiment à ce que j'attendais d'Interpol.
Quand on voit le succès de la formation, les concerts sold-out
dans des salles de plus en plus grandes, on est saisi par le contraste de trouver
sur scène un groupe sans envergure, un chanteur dénué
de charisme, une absence totale de communication et de précision (à
ce demander si Paul Banks joue vraiment sur le disque).Seul
Carlos, et son look au goût douteux (bottes d'officiers, holster...) tire
un peu son épingle du jeu... Impression de voir sous nos yeux
s'effondrer l'un des grands espoirs du début des 00's, laché en
pature à la face du grand public sous pretexte de renaissance du rock...
Putain de connerie mercantile. Les maisons de disques ne savent plus quoi inventer
et emmènent les groupes à l'abattoir pour le profit,
celui qu'elles pensent réaliser en fournissant des disques à quelques
gosses rebelles de 15 ans qui ne veulent pas écouter le même
Sum 41 que les beaufs du collège... Mais celà justifie t-il que
l'on promeuve Interpol de la même manière?
41 Valley
Of The Giants Westworld
arts&crafts
D'abord le line-up: Sophie Trudeau-violon (Godspeed
You! Black Emperor / A Silver Mt Zion)
Anthony Seck-guitare (Shalabi Effect),
Brendan Canning- (Broken
Social Scene)Charlie
Spearin (Do Make Say Think et Broken Social
Scene) Raul Tanguey, Deidre Smith-
voix (Strawberry), ensuite le concept: on
boucle tout le monde dans une grange isolée pendant trois jours, on enregistre
les jams et
on ré écoute. Le premier titre Claudia
& Klaus introduit parfaitement le suivant, Westworld,
sur lequel la basse et la batterie créent un
groove hypnotique parfait support pour le violon et les notes de guitare, et
une voix qui évoque Hope Sandoval.
Tantôt on sent les
influences folk country purement nord-américaines, tantôt la musique
se fait plus exotique (Cantara Sin Guitara évoquant autant
le
folklore klezmer dans ses arrangements de cordes que la musique mexicaine pour
ses cuivres). Un improbable moment de grace que
cet album, surtout quand on pense qu'il a été enregistré
en si peu de temps et sans réèlles bases. Quelque part entre Molasses,
Mazzy Star ou Migala,
comme une sorte de Set Fire To Flames sans
le côté happening experimental, bref au
final un très beau disque
dans la lignée des groupes dont proviennent ces musiciens.
40
Trans
Am Liberation
thrill jockey
Liberation c'est avant tout une pochette en mosaïque
faite de clichés de la famille Bush... un appel au secours, quand on
sait que le
disque est sorti avant les élections, on devine l'état d'esprit
et le désarroi des musiciens de Trans Am aujourd'hui... Vivant à
Washington
DC de surcroit! Le groupe perpétue son approche particulière de
la musique, détruisant le rock en utilisant les clichés (débauche
de
technique) ou en y intégrant nombre d'éléments electroniques,
avec toujours un certain humour (noir). Outmoder illustre bien la cuisine
de Transam: rythmiques puissantes, guitares très présentes et
synthés démoniaques. Un côté big beat période
97/98 (pensez aux
tubes des Propellerheads ou même certains
Chemical Brothers). Le message est clair
dans les titres: Uninvited Guest, Divine
Invasion II, Total Information Awareness etc... L'utilisation
du cut up sur les discours de W est encore plus efficace : ""Our
commitment to weapons of mass destruction is America's tradition," ou un
délicieux "The Iraqi people love their oppressors".
Qu'importe l'efficacité de la protestation (compliqué de faire
un album politique sans paroles...), Trans Am dans ses mélanges parvient
à retranscrire une tension,une anxiété, une amertume. Dans
ses passages electroniques (Music For Dogs ou Total Information
Awareness qui rapelle le premier U.N.K.L.E.
) l'album sonne comme une new wave claustrophobe, complètement asphyxiée
par les
cadences des beats synthétiques. Sur un titre comme Pretty Close
To The Edge on navigue sur les terres du Shalabi
Effect,
privilégieant les ambiances acoustiques aeriennes, pour virer à
180° sur la fin et rejoindre les Dust Brothers
! Liberation s'éteint sur
un Divine Invasion qui résume bien le disque, parfait cocktail
de rock-electro-newwave, tendu et incisif, l'implosion menacante que
suggère la montée des sons dans le fond semble trahir le caractère
vain de l'entreprise... Liberation c'est un scanner du cerveau de
millions d'américains, complètement désarmés face
à la connerie de l'administration Bush. Et en celà il est un disque
essentiel.
39
The Third Eye Foundation OuMuPo
vol.1
ici
d'ailleurs
A
la manière de l'OuLiPo (OUvroir de LItterature POtentielle) créé
dans les années 60 par Queneau et co et qui visait à liberer le
processus littéraire en le soumettant à la contrainte, voici l'OuMuPo
(OUvroir de Musiques POtentielles) et l'OuBaPo (OUvroir de
BAndes dessinées POtentielles). C'est le label Ici D'ailleurs qui lance
l'offensive: proposer à des musiciens d'utiliser son catalogue
comme reservoir musical potentiel de samples pour construire un album. Conditions:
une itteration de 30'' doit intervenir par deux fois
dans le disque et être cohérente. La durée de l'album doit
être égale à 42' et le disque doit se boucler (la fin doit
s'enchainer avec le
début) obligatoire, une contrainte libre et un album qui doit se boucler.
Il est impossible de choisir plus de deux titres d'un même album,
de plus une fois le premier titre d'un album choisi, si l'artiste souhaite en
utiliser un second, celui-ci doit obligatoirement se trouver à
deux plages de distance. L'artiste doit utiliser les uvres de plus de
cinq artistes du label. L'artiste doit s'imposer sa propre contrainte
et la rendre publique. Enfin l'artiste s'interdit d'utiliser les paroles issues
des compositions de Dominique Petitgand
hors de leur
contexte musical, il ne tombera pas dans la facilité de s'en servir comme
jingle ou gimmick. Leur durée d'utilisation ne doit pas être
inférieure à 20 secondes. Rien de plus rien de moins !!!! Matt
Elliott ressort son alias de Third Eye Foundation pour l'occasion
et
parvient à s'approprier quelques uns des grands noms du label nancéen
(Micro:mega; Tiersen; Bed,
Madrid et même Bästard) pour
véritablement hanter les morceaux de ses fantômes personnels. Sa
contrainte perso: demander au label d'imposer les titres, son
iteration: des applaudissements. En parallèlle, un dessinateur (ici Jochan
Gerner) se voit imposé le même genre de contrainte pour
dessiner l'artwork de l'album... Un sacré challenge !!! De ce disque
particulièrement homogène on retiendra le superbe travail sur
Madrid Une
Pluie Sèche
/ The Digital Intervention feat Yann
Tiersen Coma
Idyllique habité...ou
encore le Linky You
/ Gravité
Zéro Plein
d'etoiles aux
rythmiques hallucinées. Une expèrience interessante pour un nouveau
regard sur le riche catalogue du label
Ici d'ailleurs.
38 Moly
s/t
tenor
vossa
Plutôt impressionné par leur Your
Life Is In Danger paru l'an dernier, developpant
un post-rock construit sur des couches confuses de
sons distordus, c'est avec joie que j'ai appris qu'un nouvel album était
déjà arrivé. Mais alors bonjour pour le trouver ce disque!
Le label
Tenor Vossa ne semble distribué que par le biais d'Amazon.co.uk... Passée
cette difficulté il est temps d'écouter ce q'uont à proposer
ces jeunes gens sur cet album éponyme. All
Will Be Well ne surprend guère, morceau de post rock classique
en crescendo et anti climax,
on remarque le son bien moins touffu que sur l'album précédent.
Red Equals Meltdown et Blood Will Flow ajoutent
un peu de distortion
et de delay ou de ebow, avec un son qui rappelle Tarentel
période From Bone To Satellite, et un final Godspeed-ien.
I Never Understood
A Word You Said est le premier titre du groupe à inclure des paroles,
lesquelles renseignent de suite sur le manque de moyens alloués
à la production (l'entrée des voix sonne assez artificielle).
les rythmiques se font electronique et les guitares flirtent avec les nappes
de
clavier pour créer un morceau très dream-pop. L'ambiance tranche
avec le côté rentre dedans de l'ouverture du morceau suivant, le
long
(18 minutes) Albert Eaddy, et surtout avec ses changements de tempo:
vraisemblablement le morceau le plus proche du premier album
(avec This
Is Day One en fin de disque) .
Sur le très bon Winning Through Intimidation on revient
vers des sons plus aériens et
clairs, des guitares à la Piano Magic
avant que la batterie n'emballe un peu plus le morceau. Moly referme son album
sur un très
délicat 3+5 Breakdown Goodbye qui brouille encore les pistes
et laisse songeur. Dans l'ensemble un bon album dans le style, un poil
moins original que son prédecesseur, mais qui saura à n'en point
douter charmer les amateurs du genre.
37 Windsor
For The Derby We
Fight Till Death secretly
canadian
Le duo Dan Matz/Jason McNeely continue de surprendre à chaque album.
Longtemps muets, ils avaient intégré les voix de façon
plutôt réussie sur leur disque précédent , The
Emotional Rescue paru en 2003, les voilà de retour pour un We
Fight Til Death qui les
emmène plus loin dans la démarche, celle d'écrire des popsongs
atmosphériques, tout en s'autorisant l'expérimatation. The
Melody
Of A Fallen Tree, qui étalent ses 8 minutes en ouverture de l'album,
en est un bon exemple. Windsor s'autorise à laisser l'ambiance
s'installer pour encore mieux imposer ses mélodies incroyables, enrobées
dans un soupçon de psychédélisme, les rapprochant de
Mercury Rev (sur Logic And Surprise
le timbre de la voix évoque un Jonathan Donahue moins nasal) ou d'autres
Texans (Matz et
McNeely viennent de Floride mais ont migré vers Austin,TX dès
1995) les American Analogue Set. Le duo
n'hésite pas à inclure
des éléments d'electroniques pour singulariser ses chansons, ne
recule pas devant la répétition pour parvenir à un effet
hypnotique
( Nightingale, For People Unknown robotique très
Joy Division, ou le morceau éponyme
qui sonne très Sonic Youth).Dans
ses
moments les moins tendus We Fight Til Death marche dans les pas de Calla,
créant des chansons toujours sur la brêche,
hésitant entre classicisme et exploration sonore (en témoignent
l'instrumental The Door Is Red ou l'entêtant A Spring
Like Sixty.)
En somme Windsor For The Derby fête ses 10 années d'existence de
la meilleure des manières en proposant son album le plus
complet à ce jour, peut-être même le plus accessible, un
disque de grande qualité, un vrai bijou de popmusic, discret, insidieux,
attachant. Le futur de la pop est sous nos yeux, il est rose et arbore fièrement
un oiseau mort sur sa poitrine. On est loin des
groupes passéistes aux effets clinquants adulés par le NME. Ici
on déconstruit pour mieux créer et on le fera jusqu'au trépas.
36
Mono
Walking
Cloud & Deep Red Sky, Flag Fluttered And The Sun Shined temporary
residence
Bien sûr si nous n'avions jamais écouté
Come On Die Young
de Mogwai ou le Lift
Yr Skinny Fists... de Godspeed
You Black Emperor!
nous pourrions prétendre que cet album des Japonais est l'un des meilleurs
jamais entendus, mais bon... Voilà le problème... Mono est
un super groupe sur scène, intense, sûrement bien meilleur que
les Ecossais en ce moment, mais sur disques c'est un peu moins flagrant.
On se contentera de dire que les guitares ont un son de fou (distortions sur
distortions qui créent un énorme mur du son), que les ambiances
sont plus sombres et mélancoliques que sur leurs précédents
albums, mais on a une facheuse tendance à s'ennuyer par moments...
L'ouverture du disque sur l'épique 16:12
(aux riff godspeediens) convainc sans parvenir à imposer le groupe. Une
intro en crescendo et une
succession de lignes de guitares malignes qui donnent envie.
La présence un peu trop envahissante des cordes sur Halcyon
(déjà sur Mere Your Pathetique Light
sur la fin c'était juste...) font perdre
beaucoup de sa force au morceau (curieux écho au légendaire
New Paths To Helicon de Mogwai), tout comme
Ode se révèle bien trop
orchestrale et ennuyeuse, à la différence du dépouillé
interlude The Sky Remains... qui pourtant mise uniquement
sur les cordes, mais qui
se révèle émouvant. Il faut attendre l'avant dernier titre
Lost Snow, une espèce de croisement entre Excowboy
(même sensation hypnotique
et même utilisation du delay avant le "refrain"), et
le Motherfucker Redeemer de Godspeed (quand tout s'emballe) pour
retrouver un Mono
incisif, méchant comme sur scène, avec sa wah furibonde (façon
com(?) du précédent album). Le final du morceau est impressionant
(tempête puis calme plombé de bruits parasites) et parvient
enfin à montrer le potentiel du groupe... mais sur un seul titre... ou
presque.
Mono referme son album sur un A Thousand Paper
Cranes décrivant des paysages brumeux, une
vie au ralenti, celle d'un Japon de
l'après guerre, un pays meurtri par la bombe atomique, qui essaie de
se convaincre qu'il faut tout reconstruire. La musique est apaisante,
évite la surenchère de cordes des titres précédents
et parvient à émouvoir...et puis s'en va.
Du très bon post rock, mais un poil trop appliqué et sous influence.
On ne peut pas les blamer pour grand chose, ces 4 individus sont
tellement gentils et droits par rapport à leur musique. Il faut souligner
que le groupe ne parvient à exister que grace au son qu'il crée,
d'où le choc scènique, mais qu'il se retrouve à jouer les
seconds rôles lorsqu'on en vient à analyser les structures de ses
compositions
(et même parfois ses arrangements). Une tradition nippone ? Peut-être
celle qui consistait au début des années 80 à proposer
des
modèles de voitures, d'electroménager etc, inspirés de
l'occident à des prix défiant toute concurrence et avec une qualité
dépassant
parfois les originaux... Néanmoins on est en droit d'attendre mieux de
la part de Mono. Tellement mieux.
35
Marsen Jules Yara autoplate
Martin
Juhls, originaire de Dortmund, est plus connu sur la scène electronique
sous les pseudo de krill.minima, (produisant
ce qu'il nomme
de "l'ambient exotique") , ou de Falter
(se concentrant là sur un son plus dub-dancefloor). Pour son nouveau
projet, plus atmospherique
et emotionnel (sic), il a choisi le nom de Marsen Jules. Yara
est sa seconde production pour le label Autoplate,
après un Lazy Sunday
Funerals, bien acceuilli par les critiques et comparé aux travaux
d'Ekkehard
Ehlers, et
le disque est encore une fois disponible
gratuitement sur leur site. Il s'agit d'un concept interessant: à
l'automne 2002 l'ensemble Trio Yara (violon, piano, percussions), basé
aussi
à Dortmund ont donné deux concerts dans une petite salle de la
ville. Ces prestations ont été enregistrées avec un micro
qui était placé au
fond de la salle, et du coup on y entend en plus de la musique du groupe les
bavardages des gens au bar pendant les moments de calme,
et divers bruits ambiants. Avec minutie Juhls en a extrait ces moments "parasites"
pour les retravailler et les transformer, en integrant
certaines parties de la musique de chambre du Trio il a obtenu 6 pièces
pour le moins surprenantes. A l'aide de reverbs ou de delays les
bruits de verres qui s'entrechoquent deviennent des semblant de rythmiques,
les applaudissements des gouttes de pluie, un rire peut
même constituer le squelette d'un morceau à lui seul (cf Yara02).
Un disque captivant et onirique qui, partant de sources distinctes parvient
en les ajoutant à un résultat supérieur à la somme
des éléments qui le constitue...
Le premier "vrai" album de Marsen Jules sortira en janvier 2005 sur
le label allemand City Centre Office (Arovane,
Porn Sword Tobacco)
et s'intitulera Herbstlaub.
34
July Skies
The English Cold make
mine music
Auteur d'un déjà remarqué Dreaming
Of Spires il ya deux ans sur le label anglais Rocket
Girl, Anthony Harding, tête pensante du projet
Avrocar, décide de centrer son nouvel
album sur le thème de la Seconde Guerre Mondiale. Dès les premières
notes on ne peut
s'empêcher de penser à Piano Magic
et son Artists' Rifles
(déjà chez Rocket Girl) et dont la trame principale était
le conflit de 14-18...
Guitares en reverbs et delay, voix éparses, c'est la mélancolie
qui prime tout du long de ce disque. Rythmiques rares-seulement 2 titres
sur 13, dont construit sur une programmation-, ambiances cotoneuses, on pense
même à Rothko (période
Continual Search For
Origins) ou Sigur Rós
sur un morceau comme Strangers In Our Lanes.
Résolumment plus atmosphérique que le groupe de Glen
Johnson, July Skies évoque l'atrocité et le cauchemar des bombardements
sur l'Angleterre par le biais du calme, de recueillement ou
de la nostalgie.
33 Magyar
Posse Kings
Of Time verdura
Apparus comme par enchantement en milieu d'année, les
Magyar Posse ne viennent pas de Hongrie comme leur nom pourrait le suggérer
mais de Pori en Finlande. Déjà auteurs il y a deux ans d'un album
intitulé We
Will Carry You Over The Mountain
que certians webzines
avaient chroniqué et comparé à un subtil mélange
de Godspeed You! Black Emperor (pour les
guitares et les rythmiques épiques) et
Air pour l'utilisation des claviers synthétiques,
le groupe revient avec un Kings
Of Time
plus introspectif et sombre. La musique se fait
resolumment orchestrale et cinématographique (présence de cordes,
de cloches, piano), on pense souvent à Ennio
Morricone d'ailleurs,
et n'hésite pas à inclure des voix, sous la forme de choeurs fantomatiques.
Comme bien souvent dans ce genre, qui semble marrier
musique de chambre et rock bruyant, on pourra avoir l'impression que le groupe
en fait un peu trop, donne dans l'effet pompier (cf l'intro
du 3ème titre) mais dans son ensemble le disque est très cohérent
et ne se soucie guère de la démesure. Ici on assume de faire une
musique épique. Pas
de problèmes pour les fans des Quebecois... ils y trouveront leur compte
!
Même si on sait aussi calmer ses
ardeurs (cf Titre 4) avec des titres moins longs et plus contemplatifs.
Kings Of Time
est un album de genre, un western sous la neige,
une trans-siberienne avec de la buée aux vitres du train, des déserts
de givre dans la brume, un voyage des plus intrigants.
32
Emery Reel
...For And Acted Through Diversions first
flight
Signés
sur le même label que The Potomac Accord,
Emery Reel souffrira vraisemblablement les mêmes critiques que le groupe
de St
Louis,MO le classique jeu des comparaisons... Là où le Potomac
Accord se voyait taxé de suiveur de Godspeed
You! Black Emperor,
sur la foi d'une pochette noir & blanc évoquant selon la presse un
peu trop celle du premier album des Quebecois, Emery Reel aura
aussi droit à toute la liturgie des saints du post rock. A
New Beginning,
véritable premier titre de cet album (après une intro
atmosphérique) n'a peut-être rien d'original, on y croise les belles
reverbs de Below The Sea, les carillons
estampillés Constellation, ou
les mélodies en arpèges clairs d'Explosions
In The Sky... qu'importe. Le groupe originaire de Nashville,TN réussisse
à se faire une place
en créant de belles ambiances (le clavier de Hence;Therefore;Again
sur lequel dansent les notes de glockenspiel) parcourues de thèmes
imparrables (sur quasimment chaque morceau, cette volonté de trouver
des mélodies semblent être l'un des chevaux de bataille de la
formation). Le quart d'heure de Uneasy,
The Crossing Guard
qui clot le disque est la somme parfaite du talent d'Emery Reel: scie
musicale et verres en cristal, cloches, guitare slide, même une trompette
et des voix d'enfants en milieu urbain, tout au service d'une
mélodie claire et précise. Attendons la suite pour que se dissippent
les doutes des plus sceptiques et savourons ce post-rock de belle
facture.
31 Bathyscaphe
-
11.034 m monopsone
Second
album pour les parisiens d'adoption de Bathyscaphe, après un hypnotique
Road Movie en 2002 sur le label bisontin Lykill
Records. Le ton a tendance à se durcir, la rythmique de cet abyssal -11.034m
étant particulièrement marquée, les distortions sur
les
basses plus présentes. On navigue dans les profondeurs à toute
vitesse, guitares et nappes synthétiques glaciales viennent refroidir
les ardeurs de la section rythmique dans une musique très cinématographique,
assez normal pour un groupe qui a déjà illustré plusieurs
court et moyen métrages. Flexible qui ouvre l'album se
met en place progressivement jusqu'à l'arrivée de la caisse claire
et de la basse
tout deux énormes! La mélodie répétititve surprend
lorsqu'elle amorce un changement, ou bien fait silence. On pense à
un Below The Sea
(surtout sur Kilauea) qui aurait échangé ses reverbs
contre des distortions: même sensation de flottement et même capacité
à évoquer
des images.Shutter Release fait figure d'intrus au milieu de cette
cadence infernale puisque c'est le seul morceau qui se veut atmosphérique
et dénué de rythmique, il sert à merveille l'entrée
en matière du morceau suivant, Air Pirate et ses voix samplées.
En live le groupe a la
réputation de donner des shows puissants laissant sa section rythmique
prendre encore plus d'importance, à l'écoute d'un morceau
comme Labyrinthe, dont certains passage rythmiques lorgnent sur
le métal on ne peut qu'imaginer ! Avec - 11.034m Bathyscaphe
passe la
vitesse supérieure et impose sa griffe au paysage du rock instrumental
français. A surveiller de très près.
30
The
Knife Deep
Cuts v2
Débarqués de nulle part pendant l'année, suite à
une signature et une distribution via V2, The Knife a sû s'installer sur
nos platines
avec son electropop raffraichissante. Le groove contagieux de Heartbeats,
avec ses côtés 80's, un accent qui trahit à peine les origines
nordiques du duo (le frère et la soeur Olof et Karin viennent de Suède),
ou le côté electroclash dancefloor de Girl's Night Out,
avec son
beat syncopé et ses gros synthés bien efficaces, annoncent la
couleur d'entrée de jeu... On cherche ici la mélodie et les tubes
avant tout.
La voix de Karin sait se faire changeante (jusqu'à la pousser dans les
graves sur le très dub Rock Classics ou à jouer
à Cindy Lauper sur
Is It Medicine?) , certaines inflexions par moments rappellent
Björk ou même Kate
Bush. Les textures sonores recherchent l'originalité:
steel drums sur Pass This On et You Take My Breath Away,
xylophone de One For You, le piano-jouet de She's Having
A Baby. Une
bonne moitié de tubes, certains resolumment dance floor (Girl's
Night Out ou le très uptempo Listen Now qui revisitent
les années 80 de
New Order à Alphaville
en passant par Propaganda. On pourrait rapprocher
le groupe des anglais de Ladytron dans une
veine résolumment
plus pop dans le son comme dans la structure des morceaux. Deep Cuts
est un recueil de tubes imparrables, en dépit d'une deuxième
moitié un peu moins réussi: quand le groupe joue aux Scissors
Sisters, sur Got 2 Let U et ses faux saxos ou la conclusion
anecdotique
de Hangin' Out à mi chemin entre les new-yorkais et un
Beck façon Midnite Vultures
(c'est Olof qui semble être derrière le micro...
encore que nous ne sommes pas à l'abri d'un stratagème pour transformer
la voix de la frangine!) et une fausse fin maladroite sur un instru
mélancolique (Behind The Bushes). Le disque aurait peut-être
mérité un ré-agencement de tracklist pour lui donner encore
plus d'impact.
Mais pas le peine de bouder notre plaisir, il y a de grands moments sur cet
album.
29
Explosions
In The Sky Friday
Night Lights OST universal
Tôt
ou tard on savait qu'Explosions In The Sky serait approché pour composer
une BO. Maintenant on ne se doutait pas que ce serait
pour un film à gros budget, adaptation d'un best-seller! Enfin comme
l'action se situe au Texas il était logique de faire appel à l'un
des
groupes les plus doués de la région et à sa musique au
potentiel visuel important. A l'image du dernier album du groupe, dont certains
morceaux ont été retravaillés pour le coup, ce disque voit
Explosions privilégier le côté le moins enervé de
sa musique (plus vraiment
de distortions au contraire de l'album qui les revéla en 2001, Those
Who Tell The Truth...). On craignait une débauche de moyens
(universal oblige) et au final le groupe semble avoir été assez
libre de ses mouvements, présentant des morceaux inédits et des
relectures
assez sobres (Your Hand In Mine pas abimée du tout par
l'apport des cordes). From West Texas ouvre le disque tout en
reverb et delay,
impeccable, un lever de soleil parfait, Our Last Days As Children,
toujours sans aucune rythmique, est aussi un bel exercice de style,
mêlant les lignes claires d'arpèges de guitare comme le groupe
sait si bien les faire. An Ugly Fact Of Life introduit un slide
et quelques
cordes, morceau mélancolique, Home et son long delay sonne
comme un morceau de Those Who... Au milieu des morceaux composés
par le groupe on trouve des invités prestigieux, Daniel
Lanois propose un morceau instrumental qui figurait déjà
sur certaines compilation,
Sonho Dourado, dont la mélodie est inspirée du folklore
irlandais. Son interprétation ne dénote pas du tout avec le reste,
chorus de
guitare avec reverb, son à la Neil Young,
un bien beau morceau de 6 cordes accompagné de violon et de batterie.
To West Texas
est un morceau typique d'Explosions, lente montée de la batterie, cymbales
puis grosse caisse, puis plus rien, juste avant que la
classique marche de caisse claire de Michael James ne débarque tout s'arrête.
On devine que les morceaux sont composés pour
et avec les images et que donc ils doivent sublimer l'action... d'où
l'étrange construction ou la seconde évocation de Your
Hand In Mine
(morceau qui refermait The Earth Is Not A Cold Dead Place) bien
plus courte, comme un thème qui revient dans le récit.
Inside It All Feels The Same est plus axé sur les cordes,
très présentes, et sur la basse (assez rare chez EITS d'ailleurs...).
David Torn, grand guitariste studio, qui a collaboré avec
Lou Reed ou Don
Cherry, présente une pièce mystérieuse, habillée
elle
aussi de cordes, dont les bends procure une délicieuse sensation de vertige
au dessu d'un canyon. Lonely Train, d'EITS, donne une
vision beaucoup plus sombre de leur musique (élément un peu mis
entre parenthèses sur cette BO ou sur leur dernier album), le slide
et les petits sons stridents dans le fond sont du plus bel effet jusqu'à
l'entrée du delay et de nappes de cordes (?). Résolumment le
meilleur morceau du groupe sur ce disque. La présence des anglais de
Bad Company sur l'album aurait pu faire
grincer des dents...
groupe des 70s composé d'un ex King Crimson
et d'un ex Mott The Hoople, avec Paul
Rodgers au chant (futur remplacant de
F M.Mercury au sein de Queen... quand même!)
on pouvait craindre le pire... Au final leur Seagull acoustique
datant de 1974 passe
à peu près...! The Sky Above, The Field Below ouvre
sur des nappes de guitares (e-bow et pedale de volume) qui nous bercent pour
6 minutes atmosphériques magnifiques, comme une lente intro à
Slow Dance morceau presque slow pop dans sa rythmique qui referme
l'album. Peut-être pas le meilleur morceau du groupe, mais il a le mérite
de les montrer sous un jour différent. Au final on ne peut que
recommander l'acquisition de ce disque aux fans d'Explosions In The Sky, même
si l'on est en droit de s'interroger quant à la réèlle
utilisation qu'en fait Peter Berg (auteur
de Wonderland et aussi acteur vu récemment dans Collateral
de Michael Mann. Il devrait dirigé
l'adaptation ciné du best seller du jeu vidéo, Splinter Cell)...
à surveiller dans les mois à venir...
28
Bola
Gnayse
skam
Il y a trois ans l'album Fyuti de Bola ne m'avait
guère convaincu, electronica sympa mais sans plus, sans réèlle
identité. Bien
logiquement j'abordais ce nouvel album, Gnayse (toujours aussi
marrants les jeux de mots de Darell Fitton... Bolognaise...tsss)
à reculons. Quelle erreur ! Voilà un disque qui développe
un univers personnel, des ambiances mélancoliques en parvenant à
faire la
part belle aux mélodies. Dès son imposante ouverture, Eluus
et ses 9'40, Gnayse mise sur une electronica noire, avec des beats
bien
moins présents que par le passé (influence hip-hop moins affirmée),
et laisse le temps aux instrumentations de s'installer: nappes
spectrales, interludes de cordes, final nocturne. L'album est très homogène
et aucun titre ne se détache particulièrement. On remarquera
Heirairrer et sa rythmique inexistance, plage atmosphérique
avec une mélodie au piano electrique à la Harold
Budd, ou encore le
Pfane Pt2 et ses effets metalliques qui contraste avec un piano,
évoquant le nouvel Arovane. De temps
en temps Bola relance le tempo
mais c 'est pour mieux nous perdre sur la fin, en témoigne Vhieneray
et son entrée en fanfare pour déboucher sur une outro des plus
ambient. Un album à découvrir d'urgence, assez loin de la naiveté
de certaines prods (ISAN sur Morr ou Arovane
chez CCO), des beats
acharnés (Aphex Twin), ou de l'abstraction
d'autres (Autechre chez Warp toujours),
Bola parvient à donner un nouveau souffle à l'electro
en se refusant à céder aux appels de l'ambient pure et dure.
27 Fennesz
Venice touch
Christian Fennesz revient après 3 années d'absence
et un Endless Summer qui l'avait imposé comme l'un des
plus grands talents de la
scène electronique experimentale de par sa manière de construire
des morceaux presque pop avec un laptop. L'ouverture de Venice,
Rivers Of Sand, plante de suite le décor du disque: brumeux.
Des couches sonores comme des fantômes qui dessinent d'improbable
mélodies, une espèce de My Bloody Valentine
electronique sans l'impression de "bruit". Encore une fois les morceaux
ressemblent à
des popsongs : la structure de Château
Rouge en est une preuve évidente tant on a l'impression que Fennesz
s'impose un format, en
intégrant des variations qui évoquent les couplets/refrain/pont
d'un morceau pop classique, à la différence pres que dans la forme
on
navigue dans les couches de sons artificiels, indescriptibles sans l'aide d'onomatopées.
Au morceau suivant on tempère les choses en
imposant une longue plage drone atmosphérique, sans début ni fin.
Circassian, l'un des morceaux les plus longs du disque confirme
dans sa manière discrète d'utiliser la guitare, en nappes de reverse-reverbs
confuses et floues, que l'on ne peut pas nier l'influence du son
des shoegazers sur l'élaboration des compos de Venice.
De manière délicieuse et gracieuse Fennesz continue par touches
d'effleurer
notre inconscient, pop ambient, laprock, qu'importe l'expression ou les mots
pour le qualifier, tout est ici matière à laisser l'esprit divaguer.
Jusqu'à ce que la voix de David Sylvian
débarque sur Transit comme pour que l'humain se réapproprie
le rêve, le côté abstrait des sons
présentés jusque là sur Venice. Après
avoir collaboré sur Blemish, dernier album en date de l'ex
chanteur de Japan, Fennesz lui donne
un rôle important sur son disque. Les mots de Sylvian se pose délicatement
sur les nappes de Fennesz, se permettant quelques
tremolos, comme des rebonds au gré des explosions rythmiques qu'impose
l'autrichien. La chanson est une grande réussite, à l'image
de ce qu'est capable de faire Björk,
l'emphase en moins. Autre morceau original, Laguna, avec juste
une guitare electrique habillée
d'un poil de chorus, comme pour donner de l'air, ou plutôt de la lumière,
simple, au milieu de la brume sonore présente tout au long de
l'album. Jusqu'au bruyant final que représente The Stone Of Impermanence,
Fennesz maintient la barre haute et impose son travail
de fourmi sur les textures de ses compositions, ce qui pour certains n'apparaitra
que comme une bouillie sonore, n'en est pas moins
le fruit d'efforts acharnés. Un disque onirique et inspiré.
26 Keren
Ann Nolita emi
Tout juste lancée outre-Atlantique grâce à la sortie récente
de son Not Going Anywhere, Keren Ann nous revient avec un Nolita
qui la
voit renouer avec le français. De sa voix diaphane elle parvient à
nous emmener dans un univers mélancolique, dont Que n'ai je
dessine
déjà les contours: sur une basse marquée, une rythmique
discrète , et des arpèges de guitares acoustiques, les mots de
Keren Ann sont
rejoints par un violon dans les aiguës et des nappes de clavier qui posent
le décor en clair-obscure de l'album. "Je pourrais bien brouiller
les pistes / Changer 100 000 fois de visage/ Rayer mon nom de toutes les listes
/ Et m'effacer du paysage". L'Onde amère et son triste
solo de trompette, continue dans le même registre. On pense au spleen
de Françoise Hardy, aux ambiances
délicates d'une Stina
Nordenstam. Que ce soit sur Chelsea Burns, chanté
en anglais, plus léger, ballade acoustique qui se traine au gré
des balais sur la
caisse clair, entre Mazzy Star et Joni
Mitchell, ou Midi dans le salon de la Duchesse, au
tempo enlevé, évoquant un folk bluesy à
la Donovan, paré d'harmonica, de
slide et de mandoline , c'est la voix de Mademoiselle Zeidel qui domine, dans
sa manière de se perdre
dans un souffle (un peu à la Carla Bruni
mais dans un registre bien plus dramatique, cf. sur cette cassure sur le refrain
de For You & I)
et d'articuler les mots du bouts des lêvres. Sur One Day Without
You, des arpèges délicats de piano (on pense à certains
arrangements
du Philophobia d'Arab Strap)
co-habitent avec des nappes de synthés et des guitares saturées,
mais tous sont tournés vers la voix,
véritable identité de cet album. Keren Ann parvient à habiller
ses folk songs de la meilleure manière en privilégiant les atmosphères,
en
soignant les arrangements et la structure des morceaux. La Forme et le
fond en est une belle illustration, puisque le refrain et les couplets
semblent tout d'abord appartenir à deux mondes bien distincts avant de
se rejoindre sur un final de guitares et de choeurs multiples pendant
que Keren Ann chante "Mais quand je crie, nul n'entend, nul ne voit à
quoi je pense". S'il ne fallait qu'un titre pour résumer le disque,
on garderait Nolita, ses sept minutes magnifiques de guitare acoustique
et de cordes, qui se changent en montée atmosphérique de
souffles et de murmures. Irresistibles lorsque rattrappés par la trompette,
les haletements s'éteignent progressivement pour laisser le chant
reprendre ses droits. Keren Ann s'impose au fil des albums comme une artiste
des plus originales, un point d'interrogation au milieu d'un
chanson française qui se regarde un peu le nombril et se prend trop au
sérieux sous pretexte d'exception culturelle. Ici on côtoie la
perfection
en toute simplicité.