TOP 2004

<100-76>   <75-51>   <50-26>   <25-11>   <Top 10>

 


100 William Basinski The Disintegration Loops             musex intl                                          
Le 11 septembre 2001 avait commencé de manière studieuse pour le compositeur new-yorkais William Basinski. En effet, il venait de
retrouver de vieilles bandes sur lesquelles étaient enregistrées des boucles ambient et comptait les transferer sur support numérique
afin d'en garder une trace pour une éventuelle utilisation future. Malheureusement 19 années s'étaient écoulés entre l'enregistrement
et la numérisation, et en rejouant les bandes se matin là Basinski s'aperçoit qu'au fur et à mesure que les bandes passent des petites
particules d'oxyde de fer se détachent
de la surface enregistrées comme de minuscules flocons de son... Ainsi les bandes se
désintègrent sous ses yeux et en s'éteignant donnent naissance à une oeuvre intrigante, parcourues de silences, fragmentée de parasites.
A quelques kilomètre se son domicile de Brooklyn au même moment le premier Boeing percute l'une des Twin Towers... Voilà donc
le travail du compositeur qui prend un caractère encore plus étrange, une manifestation concrète de l'urgence, du passage de la vie
à la mort, et de la transformation d'une destruction en acte créateur. Sur 4 disques, en six longues plages,
The Disintegration Loops
présentent une oeuvre poignante, agonisante, parfois transformée en direct par des effets, ou juste laissée libre de s'éteindre sous nos
yeux. Un travail des plus troublants.

99 Cellar Door s/t                  autoprod                                                                                          
Contrairement à ce que suggère sa pochette ce disque est tout sauf austère et décharné, il aurait plutôt les allures d'une balle de
coton, un havre de paix, une serviette chaude après l'averse, un canapé où il fait bon se prélasser. Certains évoquent Beth Gibbons
pour parler de la performance de
Sandra Rossini, et je crois qu'ils se trompent. Pas question de juger la voix mais plutôt ce qu'elle fait
passer, et autant dans sa production que dans son interprétation, la voix de Cellar Door n'a rien du tragique de la dame de Bristol, bien
au contraire. Même si ce premier disque commence comme une fausse piste avec
Cars From The West sentier qui mène droit à la
musique que le groupe jouait avant l'arrivée de sa voix , une musique que l'on pourrait qualifier en termes branchouilles de post-rock
à tendances folktronica, à peine plus éloignée de ce que peut faire Shade., le groupe auquel appartiennent Aurélien Noir et Vira
Douangphouxay, dans ses moments les plus acoustiques.
Il faut donc attendre It's A Nice Day For All The Happy People pour entrer
dans un nouvel univers,
une nouvelle dimension. Sur une base acoustique, de guitares et de sample de batterie, Cellar Door sème des
élèments synthétiques tranchés mais délicats qui soutiennent la voix fragile de sa chanteuse. Fragilité qui fait ressortir les
interrogations du texte: "Is this the end ? Am I dying?". La voix est usée, fatiguée presque indifférente dans son interprétation comme
pour mieux souligner le "I'm so tired" du refrain. On pense à Marielle Martin de Playdoh et particulièrement aux arrangements
electroniques et aux ambiances du morceau
Brunch (sur leur excellent premier album paru en 99). Une espèce de brume claire,
un flou artistique, un abandon de soi sans le côté dramatique et desespéré, pas de névroses Portishead-ienne juste de la fatigue...

Douceur et amertume se côtoient,
sur Motion Highway et ses faux airs de No Surprises de Radiohead, même registre, la rythmique en
moins, avec une voix au second plan: on sent plus les glissements des doigts sur les cordes des guitares que les respirations de
Sandra. Cette production donne de manière général au disque un charme spécial, comme si on avait posé un voile sur les mots, par
timidité ou modestie, la voix n'est là que pour participer à l'ambiance. Principe qui peut montrer ses limites, trahir un vide, mais Cellar
Door s'en tire très bien en évitant de tomber dans les longueurs, en essayant d'aller à l'essentiel. On pense à un certain post rock,
celui de Madrid (prériode album éponyme) ou aux chicagoans de L'Altra, dans une version plus minimaliste, moins orientée vers les
chansons, moins riches dans les arrangements.
Faraway
commence de façon très acoustique avant de partir vers un final popsong
folktronica typique avec plus ou moins de réussite, un peu comme du Four Tet moins enjoué, ou un Hood récent, la morosité et la
grisaille en moins.
Sur ce morceau en plus d'être mixée en arrière la voix de Sandra est habillée de filtres gommant beaucoup des
inflexions de son interprétation. On est un peu perplexe tant ce voile imposé, qu'on pourrait prendre comme l''illustration parfaite d'une
usure -celle des sentiments peut-être, ou le rendu concret des paroles (comme c'était le cas sur
It's A Nice Day...)- empêche aussi
d'apprécier pleinement le travail vocal. En effet, si l'on ne prête pas attention, la voix se dilue au loin un peu débordée par le reste,
incapable d'être percue de manière concrète (par moments on la croit murmurante alors qu'elle est juste mixée très bas).
Ces petites imperfections devraient s'estomper au fil du temps selon de la volonté ou non du groupe de donner une plus grande places
aux voix dans ses morceaux. Au final le premier effort ce Cellar Door s'en sort avec les honneurs et parvient à ses fins, celles de
créer des ambiances douces et légères, comme un soleil de printemps qui réchauffe sans bruler, des mélodies qui savent bercer
sans endormir, des chansons qui peuvent troubler sans submerger, un habile équilibre en somme.

98 Efterklang Tripper                                                          leaf                                                    
Les Danois d'Efterklang ("Au delà du son") avaient déjà fait parlé d'eux il y a un an et demi avec un EP, Springer, les voilà qui passent
au format plus long avec un
Tripper sorti sur le label electro Leaf. Quelque part entre Múm, L'Altra et Under Byen (dont les cordes
participent au disque, comme le Amina Quartet,les islandaises fidèles accompagnatrices de Sigur Rós), Efterklang développe une
musique qui allie les rythmes electro épiléptiques tendance minimaliste
(sur Step Aside par ex) , à une vague post rock épique
(sur
Monopolist ou la fin de Collecting Shields). On pourra être gêné par moments par les voix des choristes Groenlandais (invités sur
pas mal de morceaux... le même que celui qui tourne avec Björk ???) ou même par l'éventail très large des instruments en présence
(
flûte, accordéon, orgue, vibraphone, glockenspiel, boites à musique, trompette, trombone, cor etc).
Au final un album au rendu agréable, une oeuvre parfaitement maitrisée qui souffre par moment de cette perfection et cette débauche
d'effets sur les arrangements, mais qui reste plutôt interessant.

97 Minus Story  The Captain Is Dead, Let The Drum Corpse Dance       jagjagjuwar            
Enregistré à la maison sur un 8 pistes, The Captain Is Dead... est un album attachant à condition peu-être de bien vouloir se donner la
peine de fouiller le bric à brac sonore présent sur chaque chanson. Après deux albums sortis dans l'anonymat le plus complet et enfin
une distribution correcte via Jagjagjuwar pour ce nouveau disque, voilà le groupe Minus Story, originaire du Missouri, prêt à diffuser sa
pop lo-fi aux parfums psychédéliques à la face du monde. Loin des sentiers balisés de la pop appliquée (dont certains ont éculé les
recettes cette année... The Shins pour n'en citer qu'un...), Minus Story s'amuse à brouiller ses chansons et ses petites mélodies pour
encore plus d'efficacité.
Won't Be Fooled Again ou Gravity Pulls sont des tubes en puissance de ceux qu'on sifflote sous la douche ou
devant la machine à café du boulot. On pourrait ranger le groupe dans la même grande famille que les Flaming Lips ou Mercury Rev,
voir même Grandaddy, mais aussi vers le lo-fi de Built To Spill (la voix de Jordan Geiger rappelle celle de Doug Martsch et un titre
comme
Joyless Joyless n'aurait pas fait tache sur le Keep It Like A Secret du groupe originaire de Boise, ID), ou la pop barrée
des Sunny Day Real Estate (sur
Open Your Eyes on entendrait presque la voix de Jeremy Enigk, chanteur du groupe de Seattle au
timbre de faucet androgyne). Mais dans l'ensemble l'album est à rapprocher de la pop psyché de Neutral Milk Hotel ou d' Olivia
Tremor Control
, avec peut-être une fascination pour les 60's un peu moins évidente que chez ses derniers, même si
The Captain
Is Dead...
regorge de petites harmonies vocales à la Beach Boys. 8 titres bouclés en 36 minutes, pas le temps d'être lassé par
certains effets redondants (la batterie qui souvent emmène tout le reste sur son passage, ou la voix qui pourra agacer parfois), juste
intrigué...

96 Sophia People Are Like Seasons                    flowershop                                                     
Robin Proper-Sheppard nous avait laissé seuls depuis 1998... 6 ans sans vraiment donner de nouvelles... Juste le temps de l'apercevoir
faire la promo de son label Flowershop pendant un concert d' Elysian Fields (dont le second album avait bénéficié de l'appui) et de sortir
un live anecdotique,
De Nachten. La mélancolie du premier Sophia, Fixed Water, sorti en 1996, avait été un electrochoc, une réponse
desespérée au deuil, celui de son camarade Jimmy Fernandez, bassiste au sein de The God Machine (groupe dans lequel Robin avait
fait ses premières armes) et terrassé par une tumeur au cerveau. Quelque part entre Idaho, Palace et les Red House Painters, Sophia
marquait les esprits. Déjà le second album,
Infinite Circle se montrait un peu plus délicat, essayant de fuir ce spleen magnifique et
sincère pour y insuffler un élan pop, presque joyeux. Du coup pas vraiment de surprise à l'écoute de ce People Are Like Seasons:
de bonnes chansons mais qui se perdent dans une prod trop fade. Les compositions sont moins minimalistes qu'auparavant, Robin
tente plus de choses (un
If A Change Is Gonna Come qui louche sur le Sparklehorse période Pig, avec une voix filtrée cradingue, ou
même la boîte à rythmes de
Swept Back qui rappelle aussi le groupe de Mark Linkous), avec des arrangements sophistiquées et même
si l'ouverture du disque est un tube (le fantastique
Oh My Love) on ne peut pas dire que l'album soit à la hauteur de l'attente. On peut
être rassuré quant au moral de Mr Propper-Sheppard, mais peut-être qu'on le preferait déprimé tant
People Are Like Seasons donne trop
dans le léger voir l'inconsistant, le superficiel. Bien mais sans plus en somme...

95 Hope Of The States The Lost Riots             sony                                                                  
Depuis 1 an et demi, les anglais de Hope Of The States apparaissaient comme l'un de mes grands espoirs, sorte de croisement hybride
entre le côté épique de Godspeed You! Black Emperor et la classe pop de Coldplay. Malheureusement ce premier album n'a pas réussi
à me convaincre.Pourtant tout semblait partir sur de très bonnes bases, avec
The Black Amnesias, instrumental tendu sur lequel on
retrouve le violon et les guitares prometteuses du
EP Black Dollar Bills. Enemies/Friends, second titre de l'album, et déjà sorti l'an
dernier, présente le versant plus "pop" du groupe. La caisse claire militaire et les arpèges de guitares mettent donnent aux mots de
Sam Herlihy un pouvoir revendicatif encore plus fort: all the money in the world won't save you / we're coming home/ all the prisons
that you build won't hold us/ just let us go. L'apparition du piano pour la seconde partie du morceau est peut-être moins bien sentie,
mais
Enemies/Friends reste un single original d'un niveau largement supérieur aux productions pop-rock britanniques. 66 Sleepers
To Summer
reprend les mêmes ingrédients tout en laissant appraitre quelques doutes quant à la voix de Sam, très en avant,
lancinante et limite par moments. Doute confirmés sur le sirupeux
Don't Go To Pieces, ballade au piano aux arrangements boursoufflés,
ou le single rock
The Red The White The Black The Blue sur lequel on a l'impression d'entendre un insupportable Liam Gallagher
(refrain vraiment pénible). L'excellent
Black Dollar Bills, titre ayant porté à la face du monde le groupe, permet de souffler un peu et de
savourer le talent du groupe quand il tient un peu son chanteur et s'autorise à prendre le temps d'installer et développer une ambiance:
piano délicat, guitares Godspeediennes et violon bien plus inspiré que sur les deux précédentes compositions.
George Washington
et ses faux airs de chanson folklorique américaine replace Sam très en avant dans le mix, et même si l'instrumentation est plutôt
originale et efficace, les mélodies de la voix tombent un peu à plat. Le mélancolique
Me Ves y suffres contraste avec l'apparente
nonchalance de
G.Washington révèlant un Hope Of The States définitivement plus efficace dans les mid-tempos tristounets.
Herlihy y montre ses limites de chanteur en dérapant bien souvent lorsqu'il appréhende un registre aiguë, de plus sa facheuse tendance
à faire durer les notes, peut se révéler assez irritante. Dommage car les climats de ce morceaux sont vraiment prenants (musicalement
l'un des meilleurs morceaux de
The Lost Riots). Le reste de l'album est du même tonneau, fait de très bons passages musicaux,
efforts souvent réduits à néant par les approximations d'un chanteur qui devrait en faire moins, ce qui rendrait justice à ses paroles
plutôt bien écrites, ou fragilisés par des arrangements maladroits (le final orchestral de
1776...). The Lost Riots est donc dans ce sens
une déception qui nous laisse dans l'expectative quant à l'évolution du groupe. A l'écoute de
The Black Amnesias ou du ghost track
(quasi instrumental lui aussi) on est en droit d'attendre beaucoup mieux de Hope Of The States, à condition qu'ils comprennent que tous
les groupes n'ont pas la chance d'avoir un Thom Yorke derrière le micro...

 

94 Autolux Future Perfect              redink-dmz                                                                                
Je me suis souvent demandé ce que ressent un paléontologue lorsqu'il tombe nez à nez avec un fossile, un vestige du passé, une trace
d'une époque qu'on pensait révolue... Et bien je crois qu'en tombant sur l'album d'Autolux je ne suis pas si loin de connaitre la même
sensation. Je me souviens d'il y a dix ans, oh bien sûr tout était plus existant car l'information avait plus de mal à parvenir jusqu'à nous,
Internet balbutiait pour une poignée de privilégiés ou de spécialistes, et on écoutait ce qu'on parvenait à trouver... On restait craintif
devant le merveilleux rayon "indépendant" de la Fnac, comme les gosses devant les vitrines des magasins de jouets. On prenait un
disque en main, on le tournait dans tous les sens, de l'objet on ne connaissait que le nom, pas la musique, juste une indication positive
glânée dans une certaine presse, ou à la radio, au sein du bastion Lenoir... On achetait au prix fort sans même avoir pu écouter et
souvent on se retrouvait tiraillé entre la frustration de l'acheteur compulsif qui s'est fait avoir, et la honte de l'avouer au copain... On se
voyait soutenir des formations un peu insipides juste parce qu'on avait les nerfs d'avoir acheté sans vraiment connaitre... Les temps
ont changé... si internet a une qualité c'est bien celle ci: plus jamais on nous prendra pour des cons... On achète en pleine
connaissance de cause maintenant, les groupes ont compris qu'il faut donner la possibilité aux gens de les écouter sans compter sur la
radio...! Préhistoire donc... enfin pas besoin de remonter à la préhistoire, rappellez vous le
Washing Machine de Sonic Youth...
1995-96... constat amer, 10 ans et beaucoup de choses ont changé, dans le monde bien sûr mais dans la musique aussi... sans même
parler de nos vies, les gens qui vont et viennent. A cette époque les new-yorkais avaient quelque chose à dire, étaient encore excitants.
Pas que leur
Sonic Nurse soit complètement nul, il est même plutôt bien, mais vide de sens et pas charmeur pour un sou. Et puis voilà
qu'en 2004 on tombe sur
Future Perfect d'Autolux, mélange improbable du côté pop de Sonic Youth, avec ce qu'il faut de guitares
dissonantes, et du rock indé de l'époque (prenez au hasard des noms qui n'évoqueront rien à n'importe quel teenager d'aujourdhui:
Number One Cup, Catherine, Veruca Salt). Ajoutez-y un soupçon de shoegazing (les voix diaphanes de Kevin Shields sur
Loveless de
My Bloody Valentine
par exemple) et vous obtenez un plat qui prend les allures de la Madeleine de Proust du jeune trentenaire... A ce
rythme on va finir par en écrire des chansons de tout ça... à la Vincent Delerm...pouah! Le groupe est même signé sur le label des
frères Coen et du producteur T-Bone Burnett , DMZ lequel n'avait pas sorti grand chose jusque là si ce n'est la BO de
O'Brother. Les
titres s'enchainent,
Turnstile Blues, avec sa batterie brute de décoffrage, sa basse ronde, Angry Candy, pop grunge d'un autre temps,
ou
Subzero Fun, véritable parangon de rock indé circa 1994-95, guitares fuzzy avec ce qu'il faut de larsens menaçants et de bends
dissonants; section rythmique présente sans en faire trop (on fait pas de la fusion hein !!! pas de techniciens ici, juste du feeling), bref
le genre de tubes qu'on aurait pu écouter sur Fun Radio à partir de 22 heures à la grande époque... Intrigué je me demande si je ne
suis pas tombé sur un disque qui aurait appartenu à un homme des glaces, façon
Southpark, le mec qui est resté congelé depuis
l'époque d'Ace Of Base et qui met toujours des chemises à carreaux de bucheron ... Mais qui peut encore faire ce genre de
musique...??? Alors je cherche... et je comprends. Cette batterie je l'ai déjà entendue... Il s'agit de Carla Azar, batteuse déjà aperçue
sur des disques de Joseph Arthur (
Vacancy EP-produit par Burnett tiens tiens - ou Come To Where I'm From sur lequel elle assure
les voix de
Cockroach) et sur scène avec Vincent Gallo. Elle est accompagnée de deux vieux briscars du rock indé de L.A. Au chant
et à la basse Eugene Goreshter, aperçu au sein des Maids Of Gravity (sur la fin de la vie du groupe) et même sur le
Ill Communication
des Beastie Boys (le Eugene Gore au violon sur Eugene's Lament c'est bien lui !). A la guitare Greg Edwards, figure de proue de Failure,
groupe culte de la scène indé angelino des années 90, aperçu sur le
Tribute To The Masses de Depeche Mode pour leur reprise de
Enjoy The Silence. Ce groupe a acquis un respect impressionnant au sein de la communtauté artistique américaine, Maynard James
Keenan de Tool les adorait. A ce sujet il faut savoir que les deux groupes ont tourné ensemble et que Failure comptait à l'époque dans
ses rangs Troy Van Leeuwen, future guitariste de A Perfect Circle (side project de Maynard avec Billy Howerdell), et que ces derniers
rendent un hommage poignant à la paire de compositeurs que formaient Greg Edwards et son complice Ken Andrews (aperçu depuis
sur
1.000 Hz Legend de Air) en reprenant The Nurse Who Loved Me sur leur album Thriteenth Step... Autolux deterre les restes
du rock indé post grunge de la plus élégante des manières, la voix fragile et androgyne de Goreshter se marie à merveille avec celle
de Carla (par moments on pense aux choeurs de Kim Deal à l'époque des Pixies) et les morceaux tiennent bien la route. On aimerait
découvrir le trio sur scène, ayant construit sa réputation en live, avec la guitare d'Edwards qui fait pas mal de boucan parait-il et le jeu
de Carla les pieds-nus... Sinon on se consolera en écoutant l'album, les yeux mouillés, l'esprit nostalgique.

93 Marshall Watson The Time Was Later Than He Expected         highpoint lowlife          
Artiste originaire de Seattle, Marshall Watson donne dans l'electronica façon Morr Music, légère et mélodique . Pour un premier album,
The Time Was Later Than He Expected , affiche une étonnante maturité, un style affirmé, construit sur des mélodies claires et des
rythmiques précises (aux parfums hip-hop). Même si par moments il se montre maladroit ou moins inspiré (la voix vocodée de
Lost At
Seven
ou de A Boy In September), Marshall Watson parvient à créer une musique agréable et enveloppante, submergeant l'auditeur
de ses vagues de claviers. On pense à ISAN pour les petites mélodies synthétiques, ou à Boards Of Canada pour les rythmiques
affirmées (le final de
I Could Tell You Everything). L'album prend par moments des tournures un peu moins rythmées comme sur
Fifty In June avec ses nappes de brouillards de sons sous lesquelles on distingue à peine un squelette rythmique comme des gouttes
d'eau en écho; ou encore sur
About The Time I Remembered, titre apaisé, qui rappelle certaines atmosphères de Manual. Un
premier album plus qu'intéressant.

92 Stina Nordenstam The World Is Saved                             v2                                                 
Stina... ah Stina... Cette voix si particulière, ces ambiances qui évoquent la solitude et le froid. Après un This Is... un peu moins brut
de décoffrage que ses précédents disques, mais malgré tout très bon, on attendait la demoiselle avec impatience. Ce nouvel album

The World Is Saved
est plutôt de bonne facture. Une entrée en matière avec Get On With Your Life qui annonce la couleur: sous des
faux airs de tranquille nonchalance (petite rythmique bien sentie, clarinette boisée et voix sucrée) Stina est toujours aussi rongée de
l'intérieur évoquant ici le travail long et douloureux qu'une personne doit entreprendre après un viol: "And I try to get up and I try to move/
But this thing won't let me/ It's heavy as a man's body on you and it's this close to get me. It is banging inside/ It is singing aloud:
Get on with your life" Pas d'issue possible (dans son texte Stina est claire: "killing is not an option"), sa voix douce en apparence prend
aux tripes et étouffe, renouant avec un titre comme
The Man With A Gun sur Dynamite, mais dans un registre musical bien moins
sombre et minimaliste.
Malheureusement le disque a tendance à tomber à plat du fait que Stina a déjà sorti 5 albums auparavant...
certaines mélodies sonnent comme de véritables auto-plagiats (le refrain de
On Falling qui fait écho à Sharon & Hope sur This Is...)
Reste une ou deux perles, dont
Parliament Square, qui reprend les guitares anémiques de Dynamite, avec de belles ambiances
mélancoliques (un solo de trompette crépusculaire) ou
The Morning Belongs To The Night et ses ambiances faussement jazzy genre
BO de film noir. On soulignera comme d'habitude chez la suédoise, le soin tout particulier apporté au arrangements originaux: sur le titre
éponyme un mélange délicat de contrebasse, marimba et de cordes.
Mais dans l'ensemble on reste sur sa faim même si Stina reste Stina,
toujours aussi mélancolique... Mais avec une voix pareil on peut la pardonner...

91 Black Dice  Creature Comforts                                      dfa                                                    
Les quatre musiciens de Brooklyn poussent plus loin les explorations sonores entreprises sur Beaches & Canyons il y a deux ans avec
plus ou moins de réussite et de pertinence. Black Dice continue de privilégier l'enregistrement live laissant une grande place à
l'improvisation et aux boucles (de guitares ou rythmiques). On reste perplexe à l'écoute de
Creature Comforts, un peu sur sa faim de
par la présence de plusieurs interludes (dont certains -
Island ou Live Loop- auraient mérité d'être développés) mais aussi charmé par
les ambiances particulières qu'engendrent les machines du groupes. La guitare joue aussi un rôle plus important, comme sur
Treetops,
entre minimalisme et psychédélisme pastoral avec son petit côté Animal Collective même. Creature nous plonge dans une jungle, sons
qui rappellent la faune hostile, on se sent observé. Le groupe joue parfaitement sur les silences et sur l'attente pour provoquer l'angoisse,
donner le sentiment qu'on est épié. On sent que chacun observe l'autre pour savoir dans quelle direction partir. Puis une rythmique
apparrait, presque tribale, pour emporter tout sur son passage... le morceau s'éteint dans un grand bouillonnement de marmite cannibale.
Mais le plat de résistance de
Creature Comforts restent les 15 minutes de Skeleton, construites autour de nappes de guitare dissonante
et de sons (voix?) fantomatique. Encore une fois on joue sur la répétition au maximum, le titre se change peu à peu en un énorme couche
de guitare et de delay qui vont s'éteindre peu à peu avant de laisser revenir les sons et les rythmiques entendus au début de la pièce.
Black Dice virevolte, débloque, balance des sons dans tous les sens pour que l'auditeur perde ses repères. On est ici dans le domaine
du sensoriel, les sons sont des armes, des vibrations chargées d'émotions capable de prendre à la gorge, de faire mal aux tripes ou
juste de donner du plaisir. A ce titre le groupe joue dans la même cour que Sightings ou Wolf Eyes (les sons du final
Night Flight
ne feraient pas tache sur le récent
Burned Mind de ces derniers), peignant des toiles sonores à grand coup de couleurs criardes
dont ils seraient les seuls à connaitre la composition, surréalistes jusqu'au dernier degré des potentiomètres.

90 A.C. Newman The Slow Wonder                                         matador                                      
A.C. Newman n'est autre que Carl Newman des New Pornographers, groupe canadien qui compte aussi dans ses rangs Daniel Bejar
Destroyer ou Neko Case. Ce premier album solo est un manifeste de pop aux accents 60's, on y relève en vrac des références aux
Kinks, aux Beatles, aux Zombies ou aux Beach Boys. Sur cet album au rock enjoué on pense aussi à des contemporains, comme
les Fountains Of Wayne ou Supergrass dans leur manière d'emprunter au passé pour créer une musique originale et actuelle, mais aussi
pour la voix par moments à Dave Grohl, dans ses instants les plus pop et calmes des Foo Fighters. Les chansons sont courtes et
efficaces, le début en fanfare est même un cas d'école, puisque les 3 premiers titres sont trois pépites mélodiques, la power pop de
The Miracle Drug, la ballade veneneuse qu'est Drink To Me Babe, Then ou l'enjoué piano de On The Table font que ce disque ne
peut pas être ignoré, tant on se surprend à rapidement chantonner par dessus. On pourra être gêné par les choeurs de Sarah Wheeler
(qui prend la place occuppée habituellement par la délicieuse Neko Case) tant ils confèrent un côté suranné aux disques, mais la
production assez rèche contre-balance ce côté "mellow". Mais comme Newman a eu la bonne idée de ne pas trop en faire, son album
ne dépasse pas les 35 mins, on n'a pas le temps de s'en plaindre. Le disque joyeux de l'année.

 

89 Charles Atlas To The Dust From Man You Came And To The Man You Shall Return      ochre          
Derrière ce nom, Charles Atlas, se cache Charles Wyatt, ex collaborateur de Piano Magic (jusqu'à A Trick Of The Sea), exilé
outre-Atlantique qui depuis 5 ans a réuni autour de lui des musiciens d'univers différents pour parvenir à créer une musique singulière.
Ses précédents album,
Felt Cover et Worsted Weight , sortis il y a deux ans, déjà sur le label Ochre, avaient été bien accueillis par la
critique. Ce nouveau disque est un peu en rupture par rapport aux travaux précédents dans le sens où il est bien moins homogène et
donne vie à des compositions plutôt qu'à une ambiance , tout en restant fidèle au minimalisme et à une manière d'éviter toute apogée
dans la structure des morceaux. Pianos délicats, guitares- éparses, douceurs de nappes variées, utilisation subtile de l'electronique
sont les ingrédients qui composent ces titres. Sur l'ouverture
Demus, le piano entrelacé avec les cordes fait penser aux arrangements
de Craig Armstrong sur le
Protection de Massive Attack, la présence de rythmiques discrètes (acoustiques ou synthétiques) et
glockenspiels viennent donner une cadence au disque, le placant sous le signe de la douce rêverie (
Corona Norco et ses harmoniques
de six cordes, ou en core les inflexions latino de
Chapultepec qui semblent évoquer un lever de soleil sur un paysage au ralenti). Douceur
et candeur qui sont tout juste nuancés par la mélancolie de titres comme
Primo Levi (piano et orgue) ou Edith,
(piano, wurlitzer,
contrebasse et cordes
) sur lequel on retrouve la voix d'Odessa Chen (songwriter auteur d'un très bon album l'an dernier: One Room Palace).
L'album se referme sur une note un peu plus sombre,
Dipole
Moment, morceau atmosphérique de près de 10 minutes,
qui commence
comme un titre de Deathprod, qui semble retarder l'arrivée d'un semblant de mélodie jusqu'au bout, comme pour la rendre encore plus
savoureuse. O
n se prelasse au long des 11 plages qui composent To The Dust... dont les longueurs ne viennent même pas affecter
l'impression de pleinitude et de grace qu'il dégage.

88 Deerhoof Milkman                                 killrockstars                                                                 
Depuis 5 ans Deerhoof poursuit la cadence infernale de sortir un album par an (deux cette année si on compte leur album live mp3) dont
la qualité semble aller croissante. Exploitant à fond la voix enfantine de Satomi Matsuzaki, le groupe construit des pop songs tendues
qui font honneur à leur label KRS (Bikini Kill, Sleater Kinney, Paper Chase) et punky. Spontanéité de mise pour conserver cette cadence
(le nouvel album est déjà annoncé pour septembre 2005!) mais qu'on peut remettre en question, tant certains morceaux de
Milkman
semblent amorcer un virage, une évolution, laquelle reste souvent au stade de l'effleurement faute de temps... Dommage. On se prend
pourtant à dodeliner de la tête en écoutant l'excellent
Giga Dance, rythmique enivrante, clavier et guitare à l'unisson, cassure pour laisser
le falseto de Satomi seule sur des nappes de synthés, puis ce refrain clavier guitare electrique qui revient et ne veut plus vous quitter...
Surprise sur le morceau suivant
Desaparacéré et sa structure electro et sa mélodie de piano électrique, laissant seule Satomi mener la
danse (on pense à Radiohead période
Kid A pour l'idée) contrastant avec l'enlevée Rainbow Silhouette Of The Milky Rain, pièce instru,
qui fait monter le tempo.
C évoque un Blonde Redhead qui aurait laissé les claviers se battre à armes égales avec les guitares. Milking
est un peu moins surprenante puisque sonnant comme ce que le groupe proposait déjà sur
Apple O ou Reveille, ses deux précédents
albums, le résultat n'en reste pas moins efficace. On regrettera certains passages inutiles dans l'album
That Big Orange Sun Run ou
Dog On The Sidewalk (limite chiants...) mais Milkman reste un chouette disque dont les mélodies acidulées (l'excellent final New
Sneakers
) enchanteront les amateurs d'une pop différente aux accents punk et non passéiste.

87 O.M.R. Side Effects                                                                                 uwe                             
Dans un registre electro-pop, qui ne dénoterait pas sur Morr Music aux côtés de Ms John Soda ou Lali Puna, O.M.R. sort une premier
album plutôt réussi. D'ailleurs c'est Mario Thaler (Notwist, Console,Lali Puna etc...) qui s'est occuppé de la production de ces dix titres
originaux qui alternent instrus et morceaux chantés. Côté compo instrumentales on navigue entre de l'electro à la M83 (avec plus ou moins
de réussite) à une musique plus rock:
He's Up To All Tricks avec sa basse et sa rythmique tendues, ou The Last qui rappelle un peu le
Air de la BO de
Virgin Suicides. Les morceaux chantés sont plutôt pop et agréables, même si l'accent de Virginie Krupa laisse parfois
à désirer, mais les mélodies de
Wholly (un côté Depeche Mode des derniers albums), Password ou The Night sauront faire oublier ces
petites imperfections..

86 The Album Leaf In A Safe Place              labels uk                                                                  
J'aimais bien Tristeza, l'ancien groupe de Jimmy La Valle de The Album Leaf. Mais j'ai toujours eu l'impression qu'au delà de la jolie
musique, à grands renforts de nappes de claviers et d'arpèges de guitares, Tristeza sonnait un peu creux par moments. Et bien je n'ai
su me défaire de cette sale impression à l'écoute du nouvel opus du projet solo de Jimmy (ça commence à faire... j'avais déjà les mêmes
réserves à l'encontre de ses deux dernières sorties...).
In A Safe Place semble trop beau pour être vrai... ici on a fait appel à Sigur Rós
et au quartet Amanita qui les accompagne sur scène (La Valle a pas mal tourné avec le groupe en 2002-2003), ou bien encore on y
rencontre la voix de
Pall Jenkins des excellents Black Heart Procession... En plus l'album s'ouvre sur un
Window qu'on croirait
échappé du
(  ) de 2002. On retient son souffle, même si dans un coin de la tête on se dit que ça va sentir le plagiat tout du long du
disque... Et puis finalement
Thule débarque et on retrouve ce qui fait le charme de The Album Leaf, mais aussi ce qui m'agace chez lui...
Rythmiques bateaux, nappes de claviers et piano electrique (sorte de reminescence de Tristeza, le rock en moins). On baille doucement.
On Your Way et ces côtés electro cheap ne rassurent guère, en dépit du duo La Valle - Jenkins, et les petites notes doucereuses de
carillon finissent d'enfoncer le clou...
Twenty Four Fourteen un peu plus mélancolique se montre plus créatif rythmiquement parlant, on
pense aux sursauts électroniques de Múm, les cordes ajoutant la dimension dramatique au morceau.
The Outer Banks explore les mêmes
sonorités mais se perd à vouloir trop en faire... Et puis voilà
Over The Pond LE morceau du disque... celui qui justifie sa présence...
et qui d'un autre côté pousse à dire qu'il n'est là que pour consoler les fans de Sigur Rós frustrés par l'abstraction du
EP et l'attente du
prochain album (un brin nerveux en pensant à ça d'ailleurs... je sens la déception...). Car ce morceau chanté par Jonsi en Hopelandic
évoque en tous points le groupe de Reykjavik: l'utilisation des voix accelérées en fond sonore, le côté brute de la mélodie discrètement
soutenue par la basse. La Valle y semble presque absent, même si on le devine au piano, lequel aurait très bien pu être joué par Kjartan...
Another Day ou le long mais néanmoins réussi Eastern Glow (morceau chanté par Pall Jenkins) renouent avec la sobriété de
Twenty Four Fourteen, confirmant que quand The Album Leaf s'en tient à des shémas simples et à des arrangements délicats il prend
une toute autre dimension... Dans le même registre, mais moins electronique, l'acoustique
Streamside est parfait mais sonne un peu
Slowblow sur les bords...)
Moss Mountain Side qui referme le disque me renforce dans ce sentiment d'ambivalence à l'égard
d'
In A Safe Place, étant en tout point un morceau agréable mais ne parvenant pas à combler ce manque de substance qui semble habiter
les compositions de La Valle. Un album sous influences qui ne me rassure pas, ses bons côtés étant trop proches des groupes islandais
collaborant à l'oeuvre pour me permettre de dire que j'apprécie The Album Leaf pour son propre travail. La musique est belle mais manque
de profondeur ou juste n'autorise pas l'auditeur à l'apprécier sur plusieurs niveaux d'écoute, comprendre qu'une fois passé l'éclat de la
première impression, certaines pièces deviennent bien ternes... Dommage.

85 Nouvelle Vague s/t                                        peacefrog                                                            
Dans son principe l'album de Nouvelle Vague est une belle arnaque commerciale, un plan marketing exploitant la nostalgie des fans des
années 80... ou du moins c'est ce qu'on pourrait penser en prenant connaissance du projet sur le papier. Reprendre des standards de
Joy Division, Cure, ou Depeche Mode pour les mettres à la sauce bossa acoustique... mouais. Mais voilà, le résultat est quand même
très agréable...! Derriere le pseudo se cache un Ollano, groupe trip hop ayant réalisé une pair d'albums plutôt sympa à la fin des 90's,
Marc Colin, déjà repéré autour d'LNA Noguerra, de Katerine ou d'Avril, épaulé par Olivier Libaux, guitariste. Encore une fois je le répète
mais un album de covers, ça s'apprécie surtout quand on connait les originaux, sur l'album on trouve de tout... Essentiellement parce que
les deux lascars ont choisi d'utiliser 8 chanteuses différentes (la plupart inconnues), et la légende veut que les interprètes n'avaient jamais
entendu les originaux, afin de garder leur spontanéité.
Donc du pas très bon :
Love Will Tear Us Apart de Joy Division, I Just Can't Get Enough de Depeche Mode. MAis aussi du très bon
Guns Of Brixton du Clash ou le Too Drunk To Fuck des Dead Kennedys , le In A Manner Of Speaking de Tuxedomoon, ou le goth
Marian des Sisters Of Mercy, qui trouve ici une seconde vie, enfin le très cinématographique et angoissant Psyche de Killing Joke. Trois
de ces morceaux interprétés par la mystérieuse Camille, dont on annonce un album solo très prochainement... L'album a le mérite d'ôter
toute la prod, quelque fois datée, de ces tubes pour n'en laisser que l'essence. Un disque très agréable.

84 Cult Of Luna Salvation                                                earache                                                 
"Imagine si Isis fusionnait avec Sigur Rós"... c'est dans ces termes que m'ont été présentés les Suédois de Cult Of Luna...! Intrigué
j'ai commencé par
Echoes (référence à Pink Floyd ???) titre d'ouverture de Salvation, troisième album du groupe. Orgues, arpèges et
crescendo
de guitare (un peu comme si on jouat avec un archet...en effet)... ambiance crépusculaire jusqu'à l'arrivée
d'une rythmique et d'une disto qui épaississent l'atmosphère. On navigue dans les eaux troubles de Neurosis (le quasi-instrumental
Waiting For You pourrait figurer sur le dernier album des friscoans) et d'Isis en effet, cette même démarche qui consiste à allier les
atmosphères du post rock (les passages instrumentaux ethérés sont nombreux) avec le plomb du métal (dans les guitares et la voix
qui hurle) comme pour lester les morceaux, les amarrer de manière plus profonde à la réalité. La musique de Cult Of Luna est faite ainsi,
capable de passer de l'ombre à la lumière en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. On pourra leur reprocher par instants le caractère
diffus de certains passages, comme si le groupe se laissait porter par l'ambiance sans savoir lui-même ou il veut aller. Du coup on sent
moins d'originalité que sur les récents disques d'Isis, moins d'innovations vocales que sur l'album de Jesu (ou toute la lourdeur est
portée sur les instruments plutôt que d'encombrer
la voix elle-aussi ), ou juste moins de folie que sur les instrumentaux de Pelican.
Néanmoins
Salvation reserve de très bons moments, de belles surprises comme ce final magnifique de Crossing Over avec la voix
mélodieuse de Rasmus Kellerman, aka Tiger Lou, qui donner la réplique à Klas Rydberg sur un fond sonore en effet très Sigur Rós-ien !

83 Liars They Were Wrong, So We Drowned           mute                                                          
Voilà un album compliqué... Difficile à décrire. Un groupe à part qui brouille les pistes. Bien vite rangés aux côtés des Strokes,
Radio 4
et de toute la vague New-Yorkaise qui recycle plus qu'elle n'invente, les Liars semblent enfin tenir leur revanche avec un disque
inclassable et polémique (on a même parlé de suicide commercial!).
They Were Wrong... est à la frontière de l'indus du garage rock et
de l'experimental, un album opaque et claustro. Dès le premier titre,
Broken Witch, on oublie le confort, tout relatif, du premier album
du trio, boucles synthétiques en guise de basse, rythmique syncopée qui s'arrête, repart à toute vitesse, et puis cette guitare acérée
qui introduit un chant monotone, froid, désabusé à en faire froid dans le dos. Premier titre, premiers frissons, et surtout rien à quoi se
racrocher puisque le disque embraye sur un morceau répétitif instrumental qui prepetue cette ambiance noire. Blood, Die, Shoot, les
mots glânés au gré des compos sont clairs, l'ambiance est malsaine tout au long de ce disque, un titre comme
Read The Book That
Wrote Itself
en est l'illustration même, tout y est glacial. On pense aux débuts chaotiques de Sonic Youth pour le son mais aussi
à Bauhaus ou Einstürzende Neubauten (dont le groupe a détourné le logo pour la pochette du single
There's Always Room On The
Broom
, allant même jusqu'à demander à Blixa Bargeld lui-même de faire les illustrations !) pour le glauque: pas étonnant que les Liars
drainent pas mal de corbacks dans son public! "Take the cauldron and get down", une véritable incantation qu'Angus Andrew psalmodie
sur
We Fenced Other Houses With Bones Of Our Own espèce de transe morbide au groove sale. Les Liars n'hésite pas à utiliser
l'electronique sur
They Don't Want Your Corn, They Want Your Kids pour souiller encore plus leur musique, lui donner un côté épileptique
et possédé. Ceci est un disque exigeant et sous influences... lesquelles... on ne saurait dire si les membres du groupe ont vendu leurs
âmes aux substances illicites ou au Malin... Terriblement angoissant, tellement dérangeant, on n'en sort pas indemne...


82
Wolf Eyes
Burned Mind                           subpop                                                                  
Une expérience. Voilà ce qu'est l'écoute de cet album de Wolf Eyes, groupe ayant sorti un nombre incalculable d'albums, distribués
sous le manteau sur K7, de manière totalement anarchique. Car il faut bien parler d'anarchie quand on appréhende la bouillie sonore
proposée sur
Burned Mind (premier album pour le label de Seattle Sub Pop). Larsens, gltiches electroniques, distortions tous azimuts,
les voix sont lointaines, hurlent, vomissent au travers des parasites. C'est le corps qui réagit en premier face au chaos en présence.
Ce disque s'écoute de deux façons: à très fort volume il est synonyme de suicide et de querelles de voisinage à coup sûr, en revanche
il prend une autre dimension joué en sourdine, les agressions des aigues en sont gommées partiellement et ne ressort que l'incroyable
dynamique, quasi hypnotique, des morceaux comme le furieux
Stabbed In The Face. On pense à Ministry, à la scène indus de la fin
des 80's, mais aussi aux foutraques de Black Dice pour les manipulations sonores extrêmes, sauf qu'ici on donne de la voix... Ce
groupe était déjà culte avant même d'avoir sorti quoique ce soit sur un label digne de ce nom... Par le bouche à oreille parmi les fans
anonymes comme célèbres (Sonic Youth, Black Dice etc...) Wolf Eyes s'est fait un nom, sur scène aussi en donnant des concerts
toujours plus radicaux. Lorsque le groupe n'utilise pas la voix de Nate, il joue une musique sombre et dense (on pense un peu à
Sunn o ))) pour le côté glauque et inquiétant) dont les seules éléments rythmiques sont les bourdonnements des amplis. Le morceau
Burned Mind est une agression sonore, une torture, comme si l'on arrivait à tuer par le son, à empecher tout reflexe ou toute pensée
en écoutant les 4 minutes de cette psychose sonore. Un album qui laisse une impression de malaise, comme la BO parfaite de
Massacre à la Tronçonneuse...
Acouphéniques et hyperacousiques s'abstenir.

81 Arovane Lilies                    city centre office                                                                              
Projet de l'Allemand Uwe Zahn, Arovane nous a habitué à une electronica de haute qualité avec deux albums références, le premier
sorti en 1999,
Atol Scrap, et surtout l'année suivante le magnifique Tides paru chez CCO, qui fait la part belle aux mélodies mélancoliques
posées sur des rythmiques inventives et intelligentes sachant se faire discrètes. Depuis on avait revu Arovane furtivement avec la compil
Icol Diston sur le label Din, qui regroupe 3 eps sortis entre 98 et 00. C'est avec impatience donc que l'on attendait un nouvel album, et ce
n'est qu'à moitié convaincu, que l'on repart avec ce
Lilies, fortement inspiré des tribulations du monsieur au pays du Soleil Levant (cf les
titres de la plupart des morceaux.) Mais les petites références au Japon sentent un peu l'artifice pour touristes en mal de sensations...
Et même si l'écoute de l'album est globalement très agréable, toujours axé sur la mélodie et l'anti-facilité, il en demeure un goût
d'inachevé. On pense à Boards Of Canada dans les meilleurs passages (sur par exemple
Cry Osaka Cry avec sa rythmique travaillée au
groove hip - hop), à Fort Dax sur
Pink Lilies (accompagné par la chanteuse nippone Kazumi, déjà présente sur un album de µ-ziq), et
même si
Goodbye Forever qui clôt l'album, est sans doute l'un des morceaux les electro les plus mélancoliques de cette année
(évoquant le Vangelis de
Blade Runner), on a du mal à ne pas être déçu. Alors peut-être qu'il faut faire abstraction de ce sentiment et
prendre ce disque comme l'oeuvre ultime d'Arovane, le monsieur ayant implicitement dit que le titre de ce dernier morceau était à prendre
au sérieux et que dorénavant il se concentrerait sur d'autres projets (dont Nedjev qui a déjà sorti un ep sur le label Lux Nigra).


80 Xela Tangled Wool                            city centre office                                                              

Délaissant le côté ambient de
For Frosty Mournings and Summer Nights, précédent album de John Twells, aka Xela, d'aucun auront
vite fait de qualifier ce
Tangled Wool de folktronica, terme un poil réducteur. Force est de constater tout de même que la guitare
acoustique est très présente mais pas seulement, Xela l'habille des plus beaux oripaux, sur
You Are In the Stars, elle se fait répétitive
pour mieux laisser ressortir les clavier en fond ou la rythmique qui la soutient. Lorsqu'elle décide de s'effacer presque complètement c'est
pour créer la surprise d'une voix (le dreampop
Drawing Pictures Of Girls). Ambiances légères et oniriques tout du long de ce
Tangled Wool
, les arpèges sont parfois troublés par des bourdonnements de sons, comme si Fennesz venait jouer les trouble fête là
au milieu. L'ensemble reste parfaitement homogène et des plus agréables. Un disque qui devrait plaire aux amateurs du label Morr
Music (entre Manual et ISAN).

78 Now It's Overhead Fall Back Open                saddle creek                                                    
Andy LeMaster, complice de Conor Oberst au sein de Bright Eyes, collaborateur scénique des Azure Ray (tous sur le label d'Omaha,NE
Saddle Creek) voit avec
Fall Back Open, son troisième album, sa première sortie européènne. On y retrouve les personnes sus-citées
ainsi qu'un guest de marque, Michael Stipe de R.E.M. qui rend la pareil à Andy qui a produit certaines bsides sur des singles récents
(sachant que LeMaster et le duo Azure Ray ,Orenda Fink-Maria Taylor, viennent d'Athens,GA comme Stipe et sa bande).
Le résultat est un peu mitigé,on est surpris par le caractère singulier (et nasal) de la voix (sur certains passages de
Turn & Go
on jurerait entendre Molko de Placebo) et la manière dont Andy arrange ses morceaux avec parfois des rythmiques programmées, qui
co-habitent avec des lapsteel countrysantes... en résumé
Fall Back Open fait un peu fourre tout par moments. Hésitant entre rock
rentre dedans et atmosphère planantes, avec couches de sons qui rapprocheraient Now It's Overhead de la scène shoegazers, LeMaster
ne parvient pas à convaincre et rend une copie qui sonne trop adult-rock policé. Les chansons auraient gagné à être un peu plus brutes,
moins "propres sur elles". Restent quelques très bons moments comme
The Desicion Made Itself (une guitare acoustique 12 cordes
accompagnée d'une slide) dans laquelle Andy parle de sa façon d'être parvenu à accepter son homosexualité, ou
Antidote sur laquelle
intervient Michael Stipe touours aussi impeccable.

77 Laura Veirs Carbon Glacier                    bella union                                                                 
Voilà un disque qui a bien vécu sur ma platine, alors que son prédecesseur ne m'avait pas du tout interessé. Laura Veirs, la géologue à
lunettes de Seattle, revient avec un album plus touffu, entre folk et pop. Mais je me suis peut-être lassé de son côté un peu trop sage,
des paroles qui par moments frisent le ridicule (
"Doesn't the tree write great poetry?" sur le pourtant très beau Rapture ou "The rose is not
afraid to blossom though it knows its petals must fall"
sur A Lonely Angel Dust) . A moins que son côté soit-disant moins châleureux,
moins direct ne me soit paru qu'illusoire, les chansons sont tout à fait accessibles, et s'il faut chercher l'austérité dans cet album, c'est
peut-être dans l'interprétation de Veirs, qui refroidit un peu trop l'atmosphère sur certains passages, ou renvoie l'image d'une chanteuse
distante, presque absente. Néanmoins c'est un joli disque qui a de très bons moments:
Rapture donc, dans lequel Monet cotoie Basho
V.Woolf, Kurt Cobain;
le magnifique Shadow Blues en duo avec Karl Blau (de Kelp), ou Snow Camping et ses choeurs enfantins.

76 Death In Vegas Satan's Circus                           drone                                                              
Non l'intro de basse de Ein Für Die Damen qui ouvre ce nouvel album de Death In Vegas n'a pas été pompé sur Patrick Coutin et son
J'aime regarder les filles... Pas la peine d'attendre que ça se mette à chanter pour vérifier... le disque est entièrement instrumental.
Fichtre! Pas d' Iggy Pop, pas de Hope Sandoval, ni de Dot Allison??? Et bien non que de la musique! Moins de variétés et de
débauches d'effets dans la production, les deux DIV semblent avoir amorcé une sorte de replis sur eux-mêmes pour composer les 11
titres de ce
Satan's Circus, sorti presque en catimini sur le petit label allemand Drone, gage d'aucune pression mercantile sur le travail
des deux anglais. Basses hypnotiques, rythmiques électroniques autant qu'acoustiques, reférences à peine dissimulées à Kraftwerk
(sur
Zugaga ou Kontroll par ex),Death In Vegas sonne résolumment moins rock, moins fourre-tout. On approche même le minimalisme
quasi experimental (sur
Come On Over To Our Side qui referme l'album) et rien ne pourrait laisser penser qu'on est en présence du
groupe qui deux ans auparavant a pondu l'un des meilleurs titres electroclash de l'année (le génial
Hands Around My Throat avec
Nicola Kuperus chanteuse d'Adult). Le disque est résolumment anti-commercial et terriblement perturbant pour les fans ultimes, par
moments le DIV du passé ressurgit, sur
Heil Xanex c'est sous la forme d'une grosse basse qui débarque sans prévenir, ou dans la
guitare délicate sur
Anita Barber. Satan's Circus est un disque sombre dans lequel il faut savoir s'accrocher mais qui se révèle très
efficace au fil des écoutes.