TOP 2004
<100-76> <75-51> <50-26> <25-11> <Top 10>
75 Laetitia
Shériff Codification
naive
Sa rencontre avec Olivier Mellano
(Mobiil et guitariste de Dominique
A sur scène) lui aura fait le plus grand bien, car Codification
semble être une oeuvre très maitrisée, parfaitement dirigée,
les arrangements soignés, on sent la patte d'un musicien d'expèrience.
Roses ouvre le bal, et même si l'accent parfois la trahit, Laetitia
n'a pas à rougir d'être française et de chanter en anglais.
Bien sûr on
pense à PJ Harvey, mais pas seulement,
c'est surtout dans la tension sous-jacente de la basse qu'on a ce feeling, car
la voix se fait
plus douce, prend même des inflexions de fausse-Björk.
Les compos de la lilloise sont plus groovy (mademoiselle se fait plaisir à
la
basse),plus délicates aussi,et misent définitivement plus sur
les atmosphères: Music Box, Sleep Tight ou Aquarius
sont des peintures
sonores, des paysages plus que des chansons. Laetitia Shériff réussit
à construire un album rock, épineux et sombre, qui a su estomper
ses bases folk pour les habiller d'ambiances délicieuses (l'accordéon
ou l'orgue de Butcher's Shop). Confirmation d'un talent certain
qui
ne demande qu'à être reconnu, d'ailleurs ...Binds...
et son potentiel pop ne devrait pas déplaire au public du Mouv'...!
74
The Streets
A
Grand Don't Come For Free
679
L'histoire commence par une sale journée, un jour de
perdu où tout semble aller dans le mauvais sens ("Today I've achieved
absolutely
nought / In just being out of the house, I've lost out / If I wanted to end
up with more now / I should've just stayed in bed, like I know how".
sur l'ouverture, It Was Supposed To Be So Easy)
jusqu'à même paumer un chèque de 1000 £ (a grand)...
A Grand Don't Come For Free
ou le quotidien de Mike Skinner depuis l'insolente réussite d'
Original Pirate Material il y a deux ans. Musicalement
on a une impression
étrange, d'un côté des ambiances qui trahissent des influences
plus larges et plus riches, de l'autre le sentiment que les chansons sont
bien plus brutes (une ryhtmique, un élément de "décor
sonore" et le flow inimitable de Skinner). L'histoire continue sur Could
Well Be In
notre anti-héros tombe amoureux et confie à sa belle, Simone,
qu'il soupçonne ses potes de lui avoir fauché l'argent. L'une
des grandes
thématiques de l'album est le sentiment d'abandon, de perte de confiance,
sentiment apparu après le succès d'
Original Pirate Material,
on commence à douter, à voir certaines amitiés s'effriter,
d'autres apparaitre mais par pur interêt ("Wish I had someone I could
always rely/
Someone to get lost chattin to all night"), dans ce sens A
Grand Don't Come For Free
est vraiment un disque amer. Skinner en
club,
abandonné, complètement claustro et cherchant desesperement ses
amis, jusqu'à noyer son desespoir et sa solitude au beau milieu de
la foule en gobant quelques pillules... réaliser que rien ne va, qu'il
en a trop pris... Blinded By The Lights
ou l'abandon de soi-même,
la chute fatale qui se révèle juste un incident de soirée,
que personne n'aura remarqué, des centaines de personnes entassées
dans un lieu
et on ne prête même pas attention à son voisin, le pathétique
plâne au dessus des situations misérables et tellement banales
que décrit
l'album. La musique est toujours aussi répétitive mais Blinded
By The Lights est un des sommets du disques, utilisant
les clavier rave
des 90's pour les coller sur un tempo lent et hypnotique. Les refrains
lancinants
relayés par les voix féminines, parfaite illustration du
désarroi de celui qui, immergé dans l'euphorie, se sent coupable
de ne pas parvenir à en profiter. Skinner évoque le sentiment
de voir ses
amis s'éloigner qui le force à se replier vers le pseudo confort
de l'appart de sa copine (sur le presque sirupeux refrain RnB de
Wouldn"t Have It Any Other Way), dans sa
forme musicale, toujours aussi répétititve, les choeurs, masculins
cette fois (à la Horace Andy),
son caractère un peu trop "mellow", le morceau procure une
impression d'apathie profonde (Skinner prefere rester à fumer des spliffs
devant la télé de sa copine) et casse le rythme étrange
qu'avait imposé Blinded By The Lights...
Mais déjà l'horizon s'obscurcit. Le havre de paix décrit
par Skinner vole en éclat sur Get Out Of
My House, lorsque sa copine (interprétée
ici par Lorraine Mc Intosh, actrice ecossaise
qui joue dans la série Deacon Blue)
le fiche dehors ("Go, get out of my house please / And
actually give me back my keys"), lui prétend qu'il s'en fout, et
qu'il a d'autre chat à fouetter (on apprend que sa télé
est en panne et qu'il
n'a pas encore eu le temps de s'en occupper). La mélodie est soutenue
par des éléments electro des plus cheap et dissonants, insistant
sur l'impression de malaise de la situation. Fit
But You Know It embraie le pas avec son faux riff
à la Parklife de
Blur pour mettre en
scène Mike au McDo du coin aguiché par une fille qui semble un
peu trop en faire. De manière ironique (le lieu de la rencontre au milieu
des
frites et des milkshake donne un tableau cocasse) Skinner essaie de remonter
la pente tout en donnant assez de clefs pour faire
comprendre qu'il n'est ici question que d'illusions... d'ailleurs il regrette
immédiatement le peu de bon temps qu'il se sera autorisé (ou juste
imaginé) dans le morceau suivant Such A
Twat. Encore une fois il ancre la situation dans
le quotidien en saupoudrant son récit d'allusions
à la vie de tous les jours, comme ses problèmes de réseau
téléphonique merdique qui l'obligent à téléphoner
dans une certaine position et
seulement dans sa cuisine : ). Le quoitidien de notre "héros"
devient de moins en moins sûr puisque What
Is He Thinking le voit affronter
son meilleur ami, Scott, pour une histoire de blouson qui a disparu de chez
Skinner (il pensait l'avoir laissé chez Simone), blouson qui trône
royalement chez Scott... Le morceau se transforme en une joute verbale entre
Mike et Wayne G qui joue le rôle de
Scott. A la différence
d'un rap US dans lequel les deux protagonistes se seraient mis sur la gueule
et auraient commencé par s'impressionner mutuellement,
le dialogue est en fait une immersion dans le mental de chacun des deux personnages,
avec un effet assez théatrale de prise à partie
du public. On ne sent même pas la colère poindre, juste de la honte
du côté de Scott qui révèle avoir récupéré
le vêtement après qu'un
autre mec, Dan, l'a laissé chez lui... Et du coup on passe d'un vol à
une histoire de cul car Mike comprend qu'un des ses potes voit sa
copine en douce... En revanche Scott jure qu'il ne sait rien au sujet des 1000
£ qui ont disparu...
Dry Your Eyes, la ballade de l'album, sur fond
de guitare acoustique, aurait dû voir Chris Martin de Coldplay
chanter le refrain. Mais
Martin autant que Skinner n'était pas convaincus l'un preferant la version
de l'autre, du coup ce n'est ni l'un ni l'autre qui s'en est occuppé...
La chanson montre Skinner tentant de renouer avec Simone en vain: "And
I'm just standin' there, I can't say a word / 'Cause everythin's
just gone / I've got nothin' / Absolutely nothin' ". A la manière
de Blinded By the Lights,
mais de forme moins sombre, Dry Your Eyes
montre au grand jour The Streets très inspiré et juste. Rien ne
sonne faux dans son approche romantique de la relation, et expose un
homme brisé, trahi et abandonné par ceux qu'il aimait, jusqu'au
final, au grand dénouement qu'est Empty
Cans, chanson à double
tranchant. Boucle rythmique prononcée, accompagnée d'un simple
synthé pour , bientôt rejoint par une ligne de basse artificielle,
Skinner
y apparait comme isolé, reclus dans son appart à attendre le réparateur
de son poste de TV, et complètement amer envers ses relations :
But can you rely on anyone in this world? No you cant. Ou plus loin lorsque
Scott lui propose de bricoler le poste il l'envoie paitre en disant:
"Watching this morning with a beer is much better relying on, Unknown cunts
for mates i was given that don't have my back".
L'accumulation de problèmes transforme la moindre contrariété
en affaire d'état et en sentiment de rejet (début de parano aiguëe),
le refrain d' Empty Cans
première version n'en est pas moins l'illustration: "No-one gives
a crap about Mike / Thats why i'm acting nasty/
You know what you can do with your life/ Introduce it up your jacksie".
Lorsque le réparateur présente sa note et réclame plus
d'argent
pour un problème supplémentaire sur l'appareil, Skinner perd le
contrôle et l'insulte, pour finir par se prendre un marron... Pause.
Comme un film qu'on passerait à l'envers, le dénouement de A
Grand Don't Come For Free doit
donner l'impression d'avoir repassé
tous les éléments des morceaux joués auparavant. Silence
et magnéto qu'on rembobine. Peut-être que Skinner a juste perdu
connaissance...
Mais le morceau repart... Même rythmique mais instrumentation différente
moins sombre, plus atmosphérique... accords de piano plaqués,
refrain chanté, et paroles qui changent.... Du coup on ne sait plus trop
si la situation de départ a bien eu lieu... dans cette version Skinner
se refuse à céder au sentiment de haine envers ses ex (amis, girlfriend),
et apparait plutôt misérable et vulnérable à ressasser
son passé:
"I sat in the kitchen all fucked off, Imagining over and over what they're
all doing behind my back / Dodgy things going on, actions i regretted."
Cette fois ci Skinner n'est plus si seul, il accepte que Scott vienne bricoler
sa télé, reconnaissant qu'il n'a voulu ni trahir sa confiance
ni
celle de Dan... Le refrain est le terrible constat
amer mais réaliste de la fin d'une relation amoureuse ou amicale:
"The
end of the something i did not want to end, Begining of hard times to come/
But something that was not meant to be is done,
And this is the start of what was". Scott & Mike parviennent à
réparerer le téléviseur, la panne provenant des 1000 £
qui avaient
glissé à l'intérieur par la fente d'aération à
l'arrière ! Le dernier couplet mêlant espoir et amertume, Skinner
y explique qu'il voit de
nouveaux amis mais qu'il a compris la leçon : "(...) I realised
that it is true; No-ones really there fighting for you in the last garison.
No-one except yourself that is, no-one except you. You are the one who's got
your back 'til the last deeds done.
Scott can't have my back til the absolute end, Coz hes got to look out for what
over his horizon.
He's gotta to make sure he's not lonely, not broke. It's enough to worry about
keeping his own head above. "
Tout ça en ramenant le quotidien au centre du débat pour ajouter
une pointe d'ironie et dédramatiser: "My jeans feel a bit tight,
think i
washed them a bit too high; I was gonna be late, so i picked up my pace to run.
"
A Grand Don't Come For Free
est un feuilleton parfait, écrit de manière honnête et réfléchie,
peut-être moins novateur musicalement
qu' Original Pirate Material,
mais définitivement sincère dans ses textes et présentant
un Mike Skinner aux multiples visages, changé
par le succès et exposé à la jalousie, au ressentiment
des ses proches. Une histoire d'amitié et de sentiments sur fond d'accent
de
Birmingham. Tout un programme... à écouter d'une traite comme
on regarde un film.
73 Andrew
Bird Weather
Systems fargo
Andrew Bird est un violoniste de formation venu de Chicago,
il a collaboré à des BO (Tim Robbins
en 99 pour Broadway 39eme Rue),
mais aussi avec d'autres artistes (Neko Case
entre autres). Mettant de côté son projet Andrew Bird's Bowl Of
Fire, il sort ce mini album
sous son nom et sur un petit label (après avoir quitté Rykodisc,
structure pourtant mieux distribuée), mais il n'est pas seul puisque
ces
anciens compères, Kevin O'Donnell et Nora O'Connor lui prêtent
main forte (batterie et guitare/voix).Bien sûr c'est le violon-ou du moins
les couches de cordes empillées- qui est en avant, mais jamais le disque
ne parvient à être classique ou folklorique, pizzicatto,
strumming et jeu à l'archet se marie de la plus belle manière
et parviennent à créer de belles ambiances, n'hésitant
pas à utiliser des
effets pour etoffer les chansons. A la manière d'un Jeff
Buckley, les compositions d'Andrew Bird dégagent un lyrisme
puissant
(Weather Systems par exemple) qui pourra en agacer plus d'un...
sensation d'avoir affaire à des chansons trop belles et trop parfaites,
sentiment de démonstration... Mais l'album dans son ensemble fait plutôt
bonne figure. Les influences semblent multiples, tantôt
jazzy, tantôt folk, Bird revendique aussi l'inspiration de la musique
tzigane, des Leid germaniques et de la poésie contemporaine, il reprend
même le texte du poète américain Galway
Kinnell First Song pour son morceau d'ouverture. Dans
ses climats délicats de cordes et sa
façon de siffler on pense aussi à Goldfrapp
période Felt Mountain. On pourra reprocher au disque d'être
trop court et peut être trop clean,
il n'en est pas moins un beau disque sur lequels les instruments et les voix,
celles de Bird et O'Connor, sont en parfaite harmonie, comme
sur la très bonne reprise de la Handsome Family,
Don't Be Scared, ou tout semble être en place de la plus
parfaite façon. Voilà un élève
doué... et on sait que cela peut ouvrir des portes comme en fermer...
Sachez lui laisser la votre grande ouverte.
72
Joanna Newsom
Milk-eyed
Mender
drag
city
A première vue c'était mal parti...une jeune
fille avec une voix de petits chats qu'on égorge, qui aurait tendance
à minauder à la Björk
et qui s'accompagne d'une harpe! C'est sûr que sur le papier... comment
dire... disons que l'on a plus envie de rire que de tout de suite
signer. Et pourtant The Milk-eyed Mender
se révèle être une très bonne surprise, un album
de folk hybride, Joanna s'imposant comme
la cousine des Sufjan Stevens ou Devendra
Banhart. C'est d'ailleurs ce dernier qui l'a un peu mise sous les
spotlights. A la manière
des CocoRosie (autre copines du barde Banhart),
Joanna parvient à construire un univers au fil de son album, et même
si parfois
sa voix peut agacer (Sadie
par ex.), les mélodies et le minimalisme de ses morceaux parviennent
à charmer, toucher, convaincre
de sa sincérité. De temps en temps la demoiselle s'autorise quelques
fantaisies (le piano sur Inflammatory Writ
et Three Little Babies,
un Wurlitzer et une lapsteel sur This Side Of The
Blue, le clavecin de l'excellent Peach,
Plum, Pear) mais elle apparrait encore plus
aventureuse sous l'éclairage de son écriture, ses paroles étant
plus qu'inspirées et poétiques. Difficile de choisir une phrase
plutôt
qu'une autre tant ces textes sont bien écrits, utilisant un vocabulaire
riche et imagé et un swing dans les mots qui laisse songeur.
Le début de Bridges & Balloons,
qui ouvre l'album, est un exemple simple de ce talent:.We sailed away on a winter's
day / with fate
as malleable as clay / but ships are fallible, I say,/ and the nautical, like
all things, fades/ And I can recall our caravel: /a little wicker
beetle shell/ with four fine maste and lateen sails,/ its bearings on Cair Paravel.
Dans la plupart de ses morceaux Joanna fait appel
à des références extérieurs, à une espèce
d'inconscient collectif, qui peut par moment faire un peu "name dropping"
mais qui se révèle
souvent juste, humoristique ou poétique dans le décalage qu'elle
suggère (le jeu de mot sur Pair of Caravels et Cair Paravel, école
renommée de tradition chrétienne, reservée à une
élite qui étudie les lettres anciennes...). Milk-eyed
Mender présente le travail
prometteur d'une artiste en devenir, une autre bulle d'air, une piste d'écoute
pour le renouveau folk (on sent dans les angles que Ms
Newsome est dans la tradition du folk roots, celui des Appalaches, tout comme
Devendra Banhart d'ailleurs). On lui reprochera
peut être de s'enfermer trop dans un style, ou plutôt de ne pas
être encore capable par de petits décalages d'accrocher un public
peut-être pas plus nombreux, mais moins spécialisé dans
le genre. Mais on est en droit d'attendre beaucoup de cette demoiselle.
71
Philip
Jeck 7
touch
Philip Jeck est un artiste d'origine polonaise qui a étudié
les
arts graphiques au prestigieux
Dartington
College (magnifique endroit dans le
Devon) et qui depuis le début des années 80 s'est spécialisé
dans une musique experimental ayant pour thème principal la platine vynile.
Il a aussi composé des musiques de films, travaillé avec des compagnies
de théâtre, de danse. Son oeuvre la plus célèbre,
Vinyl Requiem
(avec Lol Sargent), une performance
pour 180 platines, a remporté le Time Out Performance Award en 1993.
Ces dernières années, il se
tourne à nouveau vers les arts graphiques et réalise des installations
utilisant de 6 à 80 platines. Philip Jeck travaille avec de vieux disques
et des platines qu'il récupère dans les marchés aux puces
et qu'il adapte à ses besoins. Il les utilise comme de véritables
instruments, pour
créer un langage à la fois intense et personnel, qui évolue
avec chaque disque. On l'a vu cette année aux côté de Janek
Shaeffer pour une
collaboration Songs For Europe pour laquelle la matière
était constituée essentiellement de disques grecques et turques,
afin de réunir ces
deux nations si souvent divisées par le passé. Ce septième
album solo est moins conceptuel même s'il montre l'artiste toujours en
quête
de ces fragments de la mémoire collective que sont les disques vynils,
afin de les utiliser dans sa création. On peut diviser l'album en deux
parties: 1,2,3 et 7 contre 4,5 et 6. D'un côté des titres assez
accessibles de l'autres de l'experimental pur et dur. Bush Hum (n°4)
par exemple
est un titre de 4 minutes obtenu en amplifiant le ronronnement du moteur d'une
platine de marque Bush. Le tout passé dans un delay. Jeck
triture les sons, modifie les vitesses, les sens de lecture et obtient dans
la majorité des cas sur cet album des titres magnifiques agrémentés
de nappes qui proviennent d'un petit clavier Casio vintage. Sur l'ouverrture
du disque, Wholesome il filtre des sons de cloches qui semblent
danser au gré des parasites incrustés dans les sillons. Museum
évoque les Disintegration Loops de William
Basinski, les sons sont fragmentés
les basses ronflent et sur la fin Jeck parvient presque à créer
une mélodie en partant de rien! Wipe évoque les
grands espaces déserts comme
filmés au ralenti, à peine perturbés par les bruits ambiants
qui apparaissent au milieu de la pièce (comme des gazouillis... mais
qui ne sont
vraisemblablement que de la poussière amplifiée. Now
You Can Let Go est le morceau le plus dur à appréhender.
Il semble être le résultat de
plusieurs boucles empilées, harmonica, orchestre be bop, sirène
de bateau... tout y passe. Un curieux mélange. On pense à Black
Dice. en
moins noisy. La suite est toujours aussi obscure, avec un Some Pennies
bouillonnant et débouchant sur un bruit blanc évoquant le vent,
comme
pour ramener le calme avant un superbe final, Veil, un morceau
inquiètant qui semble être tiré d'une BO pour un film de
D.Lynch. Une ambient
froide et sombre à la Deathprod.
Un disque exigeant mais pas si pointu que ça. A découvrir.
70
Shalabi
Effect Pink
Abyss
alien8
Laissant
toujours une place trè importante à l'improvisation (le groupe
serait bien incapable de reproduire l'un de ses morceaux sur
scène), Shalabi Effect présente sur Pink
Abyss
une musique un peu plus accessible qu'à l'accoutumée, comme si
elle était plus écrite
moins spontanée. Le morceau d'ouverture Message From The Pink
Abyss est trompeur car il n'aurait pas dépareillé sur The
Trial Of St
Orange, en revanche la suite est carrément plus...pop! Bright
& Guilty pour la première fois dans le repertoire du groupe,
laisse apparaitre
une voix. Méconnaissable Elizabeth Anka Vajagic
sonne très jazzy sur cette chanson, legère mais voilée
comme la fumée d'une cigarette
sa voix contraste avec l'emphase présentée sur son album solo..
Ambiance envoutante confirmée par Shivapria, le morceau suivant,
avec
la présence de la trompette de Charles Spearin (Do
Make Say Think, Broken Social Scene,
Valley Of the Giants) mais tout retombe vite
avec un Blue Sunshine qui sonne pop 70's au maximum, cuivres
chauds et mélodies sucrées... pas vraiment là qu'on attend
le Shalabi
Effect ! Le groupe donne un cadre plus précis à ses morceaux et
s'en sort de la plus belle façon - on pense par moments à Cerberus
Shoal d'autres déjantés de la scène folk-psyché
experimentale (sur Iron & Blood ou l'oriental et inquiètant
We'll Never Make It Out Of
Here Alive)- et parvient à étonner en refermant l'album
sur un très planant Kinder Surprise qui musicalement évoque
le calme de Whaling
Tale sur l'album de Valley Of The Giants,
en parfait osmose avec sa magnifique pochette. Un disque plus que recommandé
!
69
The Black Heart Procession+Solbakken In
The Fishtank #11 konkurrent
Le label neerlandais Konkurrent continue ses Fishtank
Sessions, à savoir proposer deux jours de
studios à un groupe, qui eventuel-
- lementpeut collaborer avec une autre formation pour l'occasion, pour en faire
un mini album de morceaux saisis sur l'instant. Cette
session marque donc la rencontre entre le combo de San Diego Black Heart Procession
et les prog rockers bataves de Solbakken.
Le résultat est plus que probant (2 jours de studio...???!!!) et reprend
les choses là où Amore del Tropico
les avait laissées il y a deux
ans, à savoir dans un registre un peu plus nuancé que sur les
trois premiers albums du groupe. Les rythmiques sont donc bien présentes
et cohabitent à merveille avec les guitares de Solbakken et le piano
de BHP. Les groupes acceuillent deux invités de marque:
Rachael Rose, mystèrieuse chanteuse
suisse francophone qui vient délicatement poser son chant à moitié
parlé sur Voiture en rouge,
morceau qui ouvre le disque, ainsi que Jimmy La Valle de The
Album Leaf qui prête assistance aux parties piano. Cette session
parvient
à recréer les mêmes atmosphère délicieusement
étouffantes qui parsèment Amore del
Tropico. Sur Voiture en
rouge la rythmique
faussement groovy et la voix lascive de Rachael plantent le décor jusqu'à
ce que Pall Jenkins (qui a repris le costume de Paulo Zappoli
son personnage du DVD d'Amore...)
fende l'air de sa voix si caractéristique. Le titre se déroule
comme une longue balade en cinemascope
sur près de 6 minutes. Les ambiances sont crépusculaires chez
Black Heart Procession, même quand le groupe intègre de manière
si
prononcée les percussions.Dog Song
et sa scie musicale dans le fond ou ses petite notes de carillons, Nervous
Persian et sa transe
hypnotique de violon sur laquelle Pall fait des merveilles vocalement, des pièces
qui ne feraient pas taches sur un album du Black Heart.
On y voit les mêmes atmosphères vénéneuses qui parcourent
les albums de Nick Cave et ses Bad Seeds.
Par moments la tension
s'adoucit, sur A Taste Of You And Me,
par exemple, qui semble être plus marquée par Solbakken (déjà
dans l'interprétation vocale) pour
donner dans un rock rythmé et aérien à la fois, comme lorsque
Broken Social Scene se met à la chanson.
Le morceau le plus marquant
restant vraisemblablement Things Go On With Mistakes,
qui s'étire sur près de 10 minutes. Jenkins y adopte, par moments,
une voix des
plus graves, la section rythmique martelle un beat halluciné et les guitares
se font nerveuses. On sent les deux groupes en parfaite osmose
tendant vers un final confus que seul la basse appuyée rend palpable,
pour finir le morceau en decrescendo laissant la voix et le piano
s'éteindre à petit feu. Konkurrent nous avait habitués
à des associations originales, avec plus ou moins de réussite
à l'écoute du résultat,
mais revient avec un 11ème numéro qui est des plus racés
et des plus efficaces.
68
Adem Homesongs
domino
Adem Ilhan fait partie du groupe Fridge
aux côtés entre autres de Kieran Hebden aka Four
Tet. Homesongs
est son premier album
solo, un disque enregistré dans une chambre, un album délicat
acoustique qui laisse l'émotion prendre le pas sur la production, et
qui
révèle au grand jour la voix de son auteur. Car la voix d'Adem
semble au centre de son oeuvre, se traine mélancolique, à la manière
d'un
Jeff Martin d' Idaho, sait se faire discrète
pour laisser les accordéons (Cut),
les carillons ou la flûte (le terrible These
Are Your Friends)
prendre le relai. La musique prend des accents très folk (Everything
You Need et son banjo en toile de fond) tout en
se gardant de
tomber dans la caricature, on pense alors aux récents albums de Gravenhurst
ou de Lazarus. Tout n'est pas réussi
bien sûr, par
moments on aurait souhaité moins d'instruments (sur One
In A Million par exemple), lorsque la mélodie
de la voix erraillée de Ilhan
se perd dans le lyrisme des arrangements (There
Will Always Be qui en fait un peu des tonnes dans
le genre Christmas Carol...) mais
on ne peut que saluer ce premier effort plus que satisfaisant pour un homme
qui disait faire partie d'un groupe instrumentale pour la
bonne raison qu'aucun de ses membres ne savaient chanter...!!!
67 Múm
Summer
Make Good fatcat
Quelle déception! Après un impeccable Finally
You're No One en 2002 et des concerts magiques, les Islandais reviennent
avec un
album bien en dessous de leur niveau. C'est surtout la voix de Kristín
Anna Valtýsdóttir (laissée seule derrière le micro
après le départ
de sa jumelle Gyða retournée à ses études de violoncelle)
qui choque: constamment à la limite du juste elle finit par agacer au
lieu d'
envouter comme elle savait le faire par le passé. Weeping Rock,
Rock reprend les choses là où le groupe les avait laissées
après
2002, mais sans parvenir à emballer. Nightly Cares single
en roue libre utilise les mêmes recettes éculées (melodica
et mélange de
sons électros et acoustiques) toujours avec cette voix improbable (qui
sabote toute tentative de mélodie). Manque de dynamique,
voix médiocre, dur dur... Surtout que les trois premiers titres sont
chantés... quand on pense qu'on se plaignait de ne pas assez
entendre ces voix angéliques sur le précédent album (encore
plus sur le premier sorti en 2000), et bien nous voilà servis. On est
encore
plus circonspect à l'écoute d'un titre comme Sing Me Out
The Window sur lequel la
voix de Kristín Anna n'est qu'un murmure,
et nous
renvoit aux meilleurs moments de l'oeuvre passée du groupe. Paradoxalement,
alors que ce sont les ambiances mélancoliques qui
dominent, et de façon réussie, c'est le titre le plus joyeux,
The Island of Children's Child, qui rend le mieux, réussissant
à allier de
la meilleure manière les délicates parties instrumentales et les
parties chantées. Un album en demi-teinte, exigeant,
moins évident
que ses prédecesseurs et peut-être trop
orienté vers les parties vocales ? En tous cas un bel objet à
la pochette irréprochable
(une marque de fabrique chez Múm) qui souligne cette reelle habilité
à créer des ambiances prenantes jusqu'au moindre détail,
même
pictural .
66 Ms
Kittin I.com labels
Beaucoup de clubbers attendaient avec impatience la sortie
du premier vrai album de la plus grenobloise des berlinoises... Depuis ses
collaborations avec Felix Da Housecat ou
bien The Hacker (encore sur son récent
et relevé Rêves mécaniques), Ms Kittin n'a
cessé
d'imposer son accent et ses choix de mixes electroclash/housemusic. Sur I.com
elle a néanmoins décider de passer un palier, plutôt que
de se concentrer uniquement sur l'aspect dansant de sa musique elle a décidé
de l'habiller de mélodies, d'arrangements et d'ambiances
variées. Bien sûr certains puristes crient à l'hérésie,
car le résultat est peut-être trop pop et conventionnel à
leur goût mais dans
l'ensemble l'album se tient plutôt bien. Professional Distortion
et ses guitares James Bond-esques mettent tout de suite au parfum,
assez éloignée
de la prod minimaliste de titres comme Frank Sinatra, tube
de 2001 en collaboration avec The Hacker, du moins de cet
esprit DIY vite fait bien fait, aux paroles suggérant presque l'écriture
automatique, le courant de conscience. De manière générale
l'album
est bien moins orienté dance floor que la plupart des featuring de la
Ms. Seules le très chill-out zone, mais néanmoins dansant, Allergic,
ou le techno pure Soundtrack Of Now, aux sonorités métalliques
qui trahissent la présence de The Hacker dans la place, semblent
pouvoir prétendre aux pistes des clubs. Les clashy Clone Me
ou Meet Sue Be She, aux accents punkrock, sauront plaire aux
amateurs
des Robots In Disguise , de Peaches,
voire des Chicks On Speed, et Kittin saura
même satisfaire les amateurs de pop electro avec un
Kiss Factory entêtant.L'album
se fait plus ambient sur un long Happy Violentine qui joue à
fond la carte de la répétition en contraste avec
le côté mélodique du chant de Caroline.Le
morceau éponyme évolue lui aussi une electro minimale qui développe
une ambiance glaciale
autour d'un squelette rythmique. Kittin s'impose même plus comme chanteuse
en jouant avec son peu de voix pour en tirer le maximum,
ce côté frenchy sexy (le dub-trippant de Dub About Me)qui
fait des ravages sur les platines des amateurs de dance music de la planète...
autant s'en servir ! On peut rapprocher I.com du récent Loops
From The Bergerie de Swayzak à
la diférence qu'il sait se faire plus varié
et résolumment moins froid que ce dernier. On reprochera peut-être
à la Miss sa parodie Requiem For A Hit avec son rappeur
stereotypé,
son interlude soul r&b et son format trop long... du moins il aurait été
plus judicieux de la placer un peu plus loin sur l'album (au lieu de
la seconde position...), et on pardonnera la reprise du 3ème Sexe
d'Indochine qui après tout ne s'en
sort pas si mal...!
65
Porn Sword
Tobacco s/t
city
centre office
Porn
Sword Tobacco est le projet d'Henrik Jonsson, originaire de Göteborg, qui
est parti s'isoler avec son matériel dans une maison
du grand nord pour accoucher d'un mini album éponyme qui évoque
le minimalisme d'Eno ou l'electronique abstraite
du norvégien
Biosphere (lui aussi familier des environements
polaires). Le nom vient de l'enseigne de la seule épicerie du village
dans lequel il
séjournait: une jeune fille seule pour servir les clients et sur la porte
ces trois mots Porn Sword Tobacco, peut-être les plus fidèles
compagnons des bucherons saisonniers qui peuplent la région, magazines
pornos, lames de rasoir et tabac... Nappes sonores de souffles,
craquements, bourdonnements comme tapis confortable sur lesquelles viennent
se poser des arpèges de piano à la Harold
Budd ou
une guitare (le très beau Snake Cake Station) On pense
aussi à Tim Hecker mais peut-être
dans une version plus éthérée. Ce disque
envoutant sort sur City Centre Office mais n'aurait pas fait tache sur Kranky.
On attend l'album pour l'été 2005, comme un raffraichis-
- sement en période de canicule, tant cette petite demi-heure en apesanteur
donne l'eau à la bouche.
64
Flotation Toy Warning
Bluffer's Guide To The Flight Deck talitres
Débarqués de nulle part à la fin de l'année
2002 avec un ep que les webzines avaient bien chroniqué, les Flotation
Toy Warning étaient
attendus par certains comme le nouveau Messie! A la croisée de Flaming
Lips, Sparklehorse et Mercury
Rev, les londoniens donnent
dans une pop mélancolique, onirique et aventureuse qui n'hésite
pas à s'affranchir de la durée (cf Donald Pleasance
et ses 9'32).
Le groupe n'hésite pas à faire appel à d'ambitieux arrangements
de cordes ou de cuivres, ou l'accordéon de Losing Carolina For
Drusky,
ne rechigne devant aucun effets biscornus pour encore plus déguiser la
voix de Paul Carter (qui dans sa fragilité évoque tantôt
un Mark
Linkous plus assuré ou un Jason Lyttle, le falsetto en moins). On pense
d'ailleurs aussi à Grandaddy sur
Fire Engine On Fire Part 2 avec
la ligne de synthé très Sophtware Slump qui prend
le relai d'une scie musicale. Flotation parvient à créer des pièces
mystérieuses et
charmeuses sans tomber dans la démesure et la grandiloquence de Mercury
Rev, ni dans les clowneries des Lips, juste des chansons
qui ne paient pas de mine illuminées par de beau arrangements. A la décharge
du groupe on pourra trouver que certains morceaux auraient
peut-être gagné à être moins "farfelus"
(cf le virage pris par Losing Carolina ou le clavecin de Fire
Engine On Fire Part 1) moins bric à
brac (un mélange parfois indigeste... cf la voix de ténor encore
sur Losing... ) mais le groupe parvient tout de même à
sortir un album
très particulier qui laisse espèrer un avenir radieux.
63 Six
By Seven 04
snsm
Largué par sa maison de disques et réduit à
trois membres, nombreux sont ceux qui avaient enterré le groupe de Nottingham.
Mais dans
la tourmente Chris Olley et ses compagnons relèvent la tête et
se debrouillent par leurs propres moyens. Ils montent leur propre structure
Saturday Night Sunday Morning Records et parviennent à booker Dave
Fridmann pour les enregistrer. Contrairement à ce qu'on aurait
pu
penser, vu le nom du producteur et la pénurie de musiciens, Six. By Seven
ne s'est pas assagi et continue de jouer un rock aux
reminescences de shoegazing. Il a su apporter quelques innovations en incluant
des éléments d'electroniques sur a rythmique du premier
morceau Untitled avec ses nappes de synthés ou bien les
intermèdes atmosphériques Lude I et Lude
II. Côté guitares Chris continue
d' empiler les couches de sons et parvient même sur Sometimes I
Feel Like à obtenir un son de distortion des plus impressionnants.
Le
morceau, qui s'appuie sur une grosse basse distordue et des nappes synthétiques,
bascule à 1'45 sur un larsen et une saturation énorme,
avant de déboucher un peu plus loin sur une rythmique passée à
l'envers... On pense à Spacemen 3
pour l'orgue de Ready For You Now
(pop song hypnotique) à Spiritualized
sur Say That You Want Me (harmonica et mur de guitares).Ocean
ou Catch The Rain renouent
avec le Six. By Seven des deux premiers albums, tendu, répétitif,
adepte de la mélodie cryptique qui vient insidieusement se lover dans
le
creux de l'oreille derrière un déluge sonore, à l'image
de Bochum (Light Up My Life), qu'on avait déjà entendu
l'an dernier sur un EP, et qui
demeure le tube de l'album. Dans un registre plus sombre, There's A Ghost,
est une poignante superposition de couche d'orgue et de
guitares (au ebow) sur laquelle la voix de Chris, toute en delay, s'interroge
"Were
you wrong to haunt me like you did
?". La rythmique
ne rentre qu'au bout de 3 minutes, ce qui donne à la chanson une intensité
dramatique du meilleur effet. La fin de 04 est marquée
par
les 10 minutes de Leave Me Alone, rythmique programmée,
répétitive, synthés et ebow de mise, pour une prière
"give me the strength
to get back to the start , give me the strength to find a way out of the mess
(...) but leave me alone". Impression étrange provoquée
par la rythme et les changements sur les filtres qui lui sont appliqués,
sentiment de malaise, de perte d'équilibre au milieu de la foule
d'une rave, Leave Me Alone est une pièce singulière
qui place encore plus Six.By Seven dans la marge du rock anglais. La pochette
est peut-être l'une des plus hideuses de l'année mais le disque
mérite qu'on s'y interesse, en espèrant qu'il ne s'agit pas là
d'un chant
du cygne...
62 Slowblow
s/t
caroline
Is
Jesus Your Pal? C'était la question que se posait Emiliana
Torrini, à peine créditée d'ailleurs, sur le
premier album des islandais de
GusGus. Cette chanson avait été
composée par Slowblow, groupe composé de Orri
Jonsson et Dagur Kari Petursson. Quelques années
auparavant, en 1995, le groupe avait sorti un second album, Fousque,
sur lequel il avait invité Emiliana, et Daniel Agust, futur chanteur
au sein de GusGus. Déjà sur cet album Slowblow bricolait un rock
lo-fi qui . Et puis à partir de 95... plus rien. Orri officie comme ingé
son
(il a produit le dernier Múm) alors
que Dagur se consacrait à sa passion le cinéma. C'est par ce biais
que le groupe va revenir dans l'actu,
puisque non content de réaliser son premier long métrage, Noí
Albinoí , Dagur décide de raviver le duo pour en composer
la BO.
Voici donc le premier album de Slowblow en 10 ans, et beaucoup en Europe penseront
qu'il s'agit là du premier de par son titre éponyme.
Mais déjà sur Fousque on sentait ce minimalisme
rock qui rapproche le groupe de formations comme Sparklehorse
ou Sebadoh.
Boites à rythmes anémiques, arrangements discrets, à l'image
de la frêle voix de Kristín
Anna Valtýsdóttir de
Múm
qui participe à plusieurs
morceaux ,
les chansons de Slowblow sont des funambules, de fragiles flocons de neige.
Guitares qui grincent, banjo et xylophone
les deux islandais empruntent les plus belles armes du folk US, celles de Will
Oldham ou de Sufjan Stevens,
pour les utiliser dans
l'instant: rien sur l'album ne semble vraiment réfléchi, tout
sonne spontané.La délicatesse et la mélancolie de Cardboard
Box, ou les
voix masculines et féminines s'enlacent à peine dérangées
par quelques notes de piano, les craquements de Hamburger Cemetary,
la scie musicale et l'orgue de Phantom Of My Organ, tout semble hors
du temps, comme si le rude climat de l'ile n'avait eu aucun
effet sur cette musique, et qu'elle avait été preservée,
protégée, bien au chaud quelque part. Une impression de comfort
et de sécurité
avec quelques bouts de ficelles bricolés, Slowblow réussit à
pondre un disque riche d'émotions, intense et inspiré avec bien
peu de
moyens. Chapeau.
61
Keith
Fullerton Whitman Schöner
Flußengel/Antithesis
kranky
Keith Fullerton Whitman aura eu une actualité chargée
cette année, avec la sortie de deux albums en plus de l'enregistrement
du nouvel album de son projet principal, Hrvatski.
Sur ces deux disques, uniquement disponibles en vynils, KFW poursuit son
exploration sonore, en mélangeant musique improvisée et programmation
s'appuyant sur un solide bagage: il est diplomé du
Berklee College Of Music de Boston en musique assistée par ordinateur.
Antithesis regroupe 4 compositions enregistrées
dans 4 appartements différents que Keith a occuppé à Boston
et qui depuis étaient conservées dans ses archives personnelles
faute de pouvoir s'intégrer aux travaux habituels de l'artiste. La thématique
de cette compilation est ce que KFW
qualifie de
"travaux d'ensemble", à savoir une combinaison d'instruments
joués par Whitman lui même sans aucune interaction de
l'ordinateur. On y entend des nappes d'alto, des mélodies minimalistes
jouées au Fender Rhodes et des couches de guitares
distordues. Twin Guitar Rhodes Viola Drone (For Lamonte Young) évoque
Eluvium dans sa manière de boucler
chaque
élément pour ensuite le déconstruire. Le morceau contraste
avec son suivant, Obelisk (for Kurt Schwitters), qui est
définitivement plus abstrait: lointaines nappes sur lesquelles viennent
s'entrechoquer des cymbales et diverses percussions;
Rhodes Viola Multiplie revient à la formule précédente
avant un final chaotique. Schnee qui clot le disque a une base
plus
acoustique et une rythmique moins dispersée, on pense au folk experimental
et barré de Cerberus Shoal avec un
côté plus
aérien dans l'utilisation des nappes et de la guitare électrique.
Antithesis est un disque qui propose plusieurs portes d'entrée,
loin du cliché d'une musique expérimentale qui se voudrait absconse.
Sur le même principe d'explotation de ses archives sonores, Keith Fullerton
Whitman a regroupé sur Schöner
Flußengel des
pièces composées après l'obtention d'un poste d'assistant
à l'Université de Harvard et surtout l'accès à la
bibliothèque sonore
de l'école. L'album est résolumment plus sombre que ses travaux
habituels, avec un travail sur le mélange entre acoustique
et électronique. Plus homogène qu'Antithesis, Schöner
Flußengel utilise diverses sources sonores, et même des voix
sur
l'inquiétant Bewusstseinserweiternd
Tonaufnahme (Eine Teile), n'hésitant pas à intégrer
beaucoup d'élément d'électronique
quitte à noyer les instruments : sur Lixus (version numérique)
la base de guitare acoustique est par moments difficile à
distinguer au milieu des feux d'artifices de filtres. On espère que ces
deux disques pourront avoir une diffusion plus grande
un de ces jours (limités à 1.000 copies chacun...) tant ils constituent
une étape importante dans la discographie de Whitman.
En attendant le successeur de l'excellent Swarm & Dither de
Hrvatski...
60
Le
Fly Pan Am N'écoutez
pas ... constellation
Comme
bien souvent après l'écoute d'un album du Fly Pan Am on ne sait
pas quoi penser... Souvenez vous du premier album en 99,
l'hypnotique -et difficilement écoutable- piste #3, Dans ses cheveux
soixante circuits, à la sortie d'une telle composition des questions,
des doutes. Pas sûr d'aimer, encore moins de détester. Et puis
ces concerts, à 1000 lieues du sérieux et de l'austérité
de Godspeed
ou ASMZ, un post rock groovy et endiablé
qui laisse des courbatures et de chouetes souvenirs. Fly Pan Am est avant tout
une
sensation. Difficile de parler de leurs morceaux sans les voir vivre. La suite
avait encore plus brouillé les pistes, Ceux qui n'inventent
n'ont jamais vécu était un disque encore moins accessible,
laissant l'auditeur dans l'incapacité de déterminer si son matériel
était en état,
tant les québécois avaient pris soin de salir leur musique en
utilisant de vilains craquements, bourdonnements pour saboter l'écoute.
Sabotage. Il y a de ça. Sur N'écoutez pas, Le Fly
Pan Am sonne plus rock et saborde son côté expérimental,
à tous les niveaux, le
formats des morceaux (presque couplets/refrain parfois), la présence
de la voix de Roger et des hurlements de Jonathan, tout est en place
pour destabiliser l'auditeur, le mettre en confiance en lui servant presque
des pop-songs, puis le perturber en les déconstruisant sans
aucune explication. Pas à pas, Step Until est un morceau
purement rock post punk groovy, basse en avant et orgue en arrière pour
soutenir la structure, les voix emmènent le morceau dans des progressions
plus qu'intéressantes (cf le final). Tout cela dans une
impression de folie douce (les mots de Roger "pas à pas" répétés
en boucle comme un mantra) qui fait entrer en transe. L'album a
cependant du mal à garder le rythme, le groupe hésitant entre
cet musique directe et jouissive et les experimentations, du coup on a
l'impression par moments que certaines plages ne sont là que pour remplir
ou faire baisser la cadence: Ex Eleveurs de renards;
Buvez nos larmes de métal;
Ce Sale désir éfilé qui sortant
de ma bouche; ou ...,
6ème plage en suspension, sur laquelle une voix
de femme au loin répète inlassablement le nom du groupe pendant
2 bonnes minutes sur un fond de gargouillis non-identifiés.
Très très rétro marque le retour du Fly Pan
Am des débuts, hypnotique et purement instrumental, avec une rupture
soudaine aux 2/3 qui
surprend et réveille l'auditeur, le sort de sa transe, 11 minutes qui
font écho aux 11 minutes d' Autant zig-zag dans deux registres
somme
toute assez différents. Vos Rêves rever et ses nappes
synthétiques pourrait presque sentir My Bloody
Valentine, si la basse de J-S.
n'était pas aussi ronde et présente, marque de fabrique des québécois.
Le Fly Pan Am s'impose comme un point d'interrogation, un
questionnement manifeste de la musique, évoquant tour à tour le
shoegazing, la musique concrète, la scène noisy, ou le krautrock,
le parfait outil de reflexion pour l'auditeur, comme le souligne l'enfant qui
parle à la fin du dernier titre, Le Faux pas aimer vous souhaite
d'être follement ami (ritournelle aux accents riotgrrl entre Errase
Errata et Georges Leningrad):
" Dis papa, c'est quoi le Fly Pan Am... oui papa c'est quoi?" Tout
est dit dans le point d'interrogation... espèrons que le groupe ne se
mette
pas trop longtemps entre parenthèses!
59 ISAN
Meet Next Life
morr
music
Que reste t-il à raconter pour Robin Saville et Anthony
Ryan, alias ISAN ??? Déjà auteurs de superbes albums (Lucky
Cat ou la compil
Clockwork Menagerie en sont des exemples frappants) de collaborations
plus que convaincantes (le Low Birth Weight de Piano
Magic),
les voilà qui déboulent avec un Meet Next Life très
agréable mais pas surprenant pour un sou ! Petits rythmes électroniques,
clicks
discrets, nappes de synthés et jolies mélodies pour des structures
simples au format court: tous les ingrédients qui ont fait le succès
du duo par le passé sont réunis sur ce nouvel opus. On retiendra
l'excellent single Gunnera, le M83-esque
Iron Eyes (qui est un peu à
part sur l'album, avec une basse distordue et une ryhtmique plus appuyée)
les Múm-esque Snowdrops And
Phlox (tout en mélancolie)
et Willowy (qu'on aurait pu trouver sur Yesterday Was Dramatic...
premier album des Islandais)
De l'electronica de qualité, pour un groupe qui est peut-être le
plus représentatif du style.
58 Friends
of Dean Martinez Random
Harvest
quarterstick
Mêmes recettes que sur les précédents
albums... et c'est toujours aussi agréable! Comme le très bon
Under the Waves de l'an dernier
Random Harvest tout au long de ses 8 plages instrumentales évoque
les grandes étendues de l'ouest en cinémascope. A grand renfort
de lap steel, guitares legèrement saturées et soli Neil
Young-esques, les Friends Of Dean Martinez parviennent à faire
voyager.
Bill Helm, un temps membre de Giant Sand,
invente le "post americana", en réussissant à toucher
l'imaginaire de chacun avec une
musique qui paradowalement, sait se faire abstraite... Friends Of Dean Martinez
restent fidèles à leurs précédentes productions,
comme
errant dans le désert, pour notre plus grand plaisir.
57
Gravenhurst Flashlight
Seasons warp
Et
oui c'est bien le légendaire label de Sheffield, Warp, spécialisé
dans l'IDM (Aphex Twin, Autechre,
Boards Of Canada entre autres...)
qui a décidé de ré éditer ce second album de Gravenhurst
à peine distribué l'an dernier. Flashlight
Seasons est le second album de
Nick Talbot, dont on pourrait décrire la musique comme folk- au sens
large revendiquant autant Nick Drake que
Neil Young mais aussi
le shoegazing d'un Neil Halstead - une base
acoustique pour soutenir cette voix fragile, une production minimaliste, tout
juste quelques
nappes par ci par là, ou un squelette de rythmique. Lorsque Gravenhurst
sait se faire discret il n'en est que plus efficace, à l'exemple de
Tunnels qui ouvre
l'album, voix diaphane et orgue fantomatique pour une rythmique minimaliste
(ride et tom basse seulement), ou
I Turn My Face To The Forest Floor, meilleur
morceau du disque, sombre avec son beat sourd en écho, ses nappes et
son petit riff
efficace sur le refrain. Dans un dépouillement plus folk et acoustique
The Diver
ou The Ice Tree se
révèlent des plus efficaces. Sur le
premier, seuls quelques touches de clavier viennent doucement habiller la guitare
acoustique de Nick (la voix rappelle un peu celle de
Ben Christophers), alors que sur le second
il est seul en scène pour une ballade mélancolique aux parfums
d'amours perdues.
Malheureusement, quand Talbot se tourne vers des arrangements plus communs,
il ne parvient pas à émouvoir. Ses Damage
I et
Damage II ou même Fog
Around The Figurehead tombent
à plat, la batterie trop passe-partout des deux dernières compositions,
se voit bien incapable de transcender les mélodies un peu trop faciles
de Nick.
Le romantisme exacerbé des textes se retrouve
complètement noyé dans le sentimentalisme des mélodies,
ce qui ne rend pas justice aux mots de Talbot, certes vagues, mais plutôt
bien écrits.L'album se referme sur Hopechapel
Hill et son harmonica à la Joseph
Arthur. Mais là où l'américain parvient à
créer une belle
dynamique, dans sa manière de chanter ou d'arranger les compos, la voix
de Talbot se traine et se laisse porter par un rythme guère
interessant. Dommage que le bon niveau de la première partie de Flashlight
Seasons ne puisse se maintenir sur la longueur.
On reste
donc dans l'expectative, à peine renseigné sur l'orientation future
de Gravenhurst. Si le groupe (puisque Nick s'entoure
dorénavant
de plusieurs musiciens pour la scène) choisit les sentiers les moins
balisés, à l'image d' East Of The
City intrigant instru ambient qui
coupe l'album en son milieu, on veut bien croire que le pochain disque de Gravenhurst
sera une complète réussite.
56 Tarentel
We
Move Through Weather temporary
residence
De l'eau. Il en est passée sous les ponts du groupe
depuis leur précédent album, The Order Of Things.
Une compil de singles,
Ephemera parue en 2002 et un long silence. On attendait Tarentel
avec de longues progressions mélodiques, e-bow en avant, tous delays
sortis... et les voilà qui déboullent avec un We Move Through
Weather des plus expérimentaux! Dans le vif du sujet Hello!
We Move
Through Weather est une composition bruitiste au rythme quasi tribal
(!), qui se dilue au fil de ses 8 minutes pour laisser apparaitre
une guitare claire et des nappes de violon. Le groupe joue la carte de la répétition
et de l'abstraction, climats oppressants (Elephant
Shoes et ses couches sonores indianisantes passées à l'envers
que vient fendre un saxo dissonant), rythmiques hypnotiques et claviers
psychés (sur Get Away From Me You Clouds Of Doom dont les
16 minutes se terminent sur ce qui sonne comme une impro avec
des infrabasses qui prennent le pas sur des guitares complètement brisées
et une rythmique squeletique très free jazz) on pense par
moments à l'abstraction d' Exhaust.
Rien dans les précédentes production du groupe ne laissait présager
une telle évolution. Les chanceux
qui les ont vus sur scène diront le contraire, tant on percevait déjà
l'envie de Tarentel de passer à quelque chose de moins attendu, de
prendre des chemins moins fréquenté (à la manière
de leur pote Jimmy La Valle de Tristeza,
lequel n'a pourtant pas vraiment surpris avec
The Album Leaf, le sens du danger est bien différent selon
les groupes). Bump
Past, Cut Up Through Windows avec son piano
mélancolique qui ne fait pas oublier pour autant la rythmique primal
qui l'accompagne et les nappes de violons qui de temps en temps
ressurgissent. Everywhere The Damn Echo , qui rappelle Elephant
Shoes, semble vraiment enregistrée dans les conditions du live,
improvisée à la manière d'un Jackie
O'Mother Fucker ou de Cerberus Shoal.
A Cloud No Bigger Than A Man's Head reprend les
mêmes éléments que les longues pièces précédentes,
avec en plus des nappes et des cymbales "griffées" par les
baguettes, amplifiées
et distordues... Le saxo est encore présent pour plus de dissonance,
dans les moments les plus gracieux on pense à Do
Make Say Think,
peut-être le soupçon d'impro jazz qui se fait sentir, mais dans
l'ensemble on se dit que Tarentel crée quelque chose de nouveau, se ré-
invente sous nos yeux. pour donner le coup de grâce avec un titre qui
ne dénoterait pas sur un album de Porn Sword
Tobacco, We're
The Only Ghosts Here, sur fond de parasites un piano électrique
egraine un semblant de mélodie... Magnifique. We Move Through
Weather laisse une impression de malaise, de rejet du confort, d'urgence,
de matérialisation de la frustration (sentiment que bien
des fans risquent de ressentir à l'écoute de cet album) Tarentel
réussit un disque exigeant et à contre-pieds et même si
l'on est parfois
à moitié convaincu, il faut reconnaitre que le groupe a su évoluer
et repousser ses propres limites. Chapeau.
55 Pan
American Quiet
City kranky
Pas de changement drastique dans la musique du projet parallèle
de Mark Nelson (Labradford) si ce n'est
peut-être une utilisation de
plus en plus discrète de l'electronique, qui aurait tendance à
rapprocher de plus en plus Pan American du projet principal de son créateur.
Nelson est assisté de Charles Kim (Sinister
Luck Ensemble) à la contrebasse et Steven Hess (collaborateur
de Sylvain Chauveau au
sein de ON , vu aux côtés de
Greg Davis ou sur les disques du label de
Milwaukee, Crouton Music) aux percussions.
Le disque, comme celui de The Dead Texan
(dont les humeurs sont proches) contient un DVD (collaboration entre Nelson
et une artiste
de Chicago, Annie Feldmeier) qui lui sied
à merveille. Introduction avec un morceau, Before, qui
évoque des paysages deserts, juste
traversés de quelques guitares éparses, de drones discrètes
et par une voix spectrale (évoquant l'album éponyme de Labradford
ou le
premier album de Pan American). On enchaine avec encore plus de minimalisme
sur le morceau suivant, Smallholding
et ses rythmiques
filtrées, sur 9 minutes bouillonnantes. Sur des morceaux comme le jazzy
Hall And Skylight, on sent la chaleur des instruments acoustiques
contraster avec l'album précédent, The River Made No Sound,
qui était plus orienté vers l'électronique. Sur ce titre
les musiciens sont
même rejoints par un cor (joué par David
Max Crawford du Poi Dog Pondering, collaborateur
régulier de Wilco, Stereolab
et Archer
Prewitt). Le magnifique
Christo en Pilsen clôt l'album sur une note trainante de
guitare acoustique, quelques nappes et des cymbales.
Nelson sait faire saliver les fans de Labradford en offrant un album solo de
toute beauté auquel on ne pourra reprocher que le manque
de relief, mais est ce vraiment sa fonction principale ???
54
Sunn
o)))
White2
southern
lord
Non,
Sunn o))) n'est pas qu'une marque d'ampli (rachetée par Fender d'ailleurs)
mais aussi l'un des groupes les plus étranges qui
soient.Projet parallèle de Steve O'Malley (membre fondateur de Khanate
ou des Lotus Eaters, groupe ambiant formé
avec James
Plotkin et Aaron Turner) et Greg Anderson (de Goatsnake),
le groupe sort ici avec White2
son 5ème album, constitué de 3 longues
plages sonores qui explorent différents déserts de sons. Desert
rythmique évidemment, puisqu'aucune percussion ne vient troubler
la mise en son du chaos construite par Sunn o))). Hell-o)))-ween
qui ouvre l'album est un morceau de près d'un quart d'heure, glauque
à souhait uniquement composé de longs sustains de basse distordue.
On pense à un versant sombre de Growing.
En arrière plan les
bourdonnements non identifiés d'un second instrument mettent en valeur
le semblant de mélodie que suscitent les changements
d'accords, le voyage a bien commencé. L'univers du groupe est plutôt
sombre et inquiétant: sur scène les musiciens et la troupe
d'invités qui les accompagne, revêtent des aubes à capuchons
qui ne laissent même pas distinguer leurs visages, et forment une ronde
qui se déplace lentement , transformant le show en une espèce
de lente procession macabre. Les 23 minutes de BassAliens,
second titre de l'album, sont plus discrètes, du moins, bien moins évidentes.
Sur fond d'échos et de notes aiguës, jouées au tournevis,
quelques touches plus ou moins aléatoires de guitares déboulent,
bientôt rejointes par d'inquiétants grondements de basse. Les guitares
se changent en goutelettes, comme si nous étions plongés dans
les profondeurs de quelque caverne humide. Toute tentative de
mélodie est immédiatement avortée, la basse vient punir
l'auditeur d'avoir pu croire telle chimère, en lui balançant larsens
et grincements
de cordes dans les oreilles. La musique se fait expèrience sensorielle,
à la manière d'un Burned
Mind de Wolf
Eyes. Comme pour mieux
préparer l'arrivée de la plus longue pièce de l'album,
Decay2 (Nihil's
Maw), un crescendo
terrible, des nappes venues de nulle part que
viennent hanter des voix comme des plaintes ou des hurlements de douleur. Impression
d'avoir en présence, la bande son d'une visite
des enfers, comme si l'on espionnait la salle des âmes, que l'on entendait
les cris des suppliciés. Très lentement dans ce brouillard
montent un râle de basse et une voix incantatoire, celle d' Attila Csihar,
hongrois à l'origine du groupe de doom metal, Mayhem,
qui finit
de nous plonger dans une vision de cauchemar des plus glaciales. Pensez à
Rosemary's
Baby de Polanski
qui aurait fusionné avec
Lynch, parfum évident de souffre, malaise certain, ce final
est terrible, car au bout de 20 minutes la voix se dédouble et devient
de plus
en plus discernable,même si l'on a du mal à en identifier la langue,
mais qu'importe, l'impression maléfique dépasse ces barrières.
Les instruments s'éteignent et laissent Attila seul pour nous faire frissonner.
White2
est un voyage dans
le cauchemar, un ensemble
cohérent, une description monolithique d'un desert inquiétant:
c'est une invitation des
plus excitantes
à explorer l'inconscient, au risque
de n'y trouver au final que peine et douleur.
53
Lazarus
Like
Trees We Grow Up To Be Satellites (The Backwards America)
temporary
residence
Déjà remarqué l'an dernier avec un excellent
Songs From An Unborn Sun sur Temporary Residence, William Trevor
Montgomery,
ex membre de Tarentel, revient avec un album
aux arrangements moins arides, mais tout aussi touchant. La présence
d'un second CD
regroupant les versions demos des morceaux permet de se rendre compte du chemin
parcouru en un an. Même si au final les morceaux
ne sont pas radicalement différents de leurs brouillons, ils ont néanmoins
été habillés d'arrangements originaux qui permettent d'en
souligner encore mieux les contours mélodiques. Les atmosphères
mélancoliques du premier album sont toujours au centre de la
musique de Lazarus, dès l'ouverture de The Walking Sonnet,
la voix de William douce et plaintive prend des couleurs automnales,
sur quelques touches de cordes et de lapsteel, et accompagnée par Wendy
Allen (qui a tourné avec Paula Frazer
et qui est aussi
l'épouse de Scott Solter de Court & Spark,
lui même derrière la console sur cet album) fait ton son effet.
Quelques rares percussions
viennent insuffler un peu de vie, un peu d'espoir à la musique grise
de Lazarus: sur This American Dream c'est aux côtés
d'un piano
reverberé, sur Fashion/Murder c'est une véritable
batterie aux cymbales étincellantes, qui se traine derrière des
voix féminines qui
prennent lieu et place d'impropables cordes. Le spleen plâne au dessus
de l'album, même quand Lazarus joue dans un registre
moins intimiste (les distortions de Singing To The Thieves).On
est parcouru par un sentiment ambivalent à la lecture des paroles de
certaines chansons placées sous le signe de l'espoir, du souvenir en
dépit de l'apparente morosité des atmosphères:
"Come over we'll take the bus to the ocean / we'll lose all our doubting
we'll stand the wind to the water/ The simple charms, the simple
words, The lovely thoughts the humblebirth of motion" (sur This
American Dream). Like
Trees We Grow Up To Be Satellites
confirme les espoirs placés
en Lazarus depuis l'an dernier et impose sa musique aux côtés d'artistes
comme Adem, Gravenhurst
ou
Nina Nastasia ou
Laura Veirs.
52
Cyann
& Ben Happy
Like An Autumn Tree gooom
Suite
des aventures de Cyann & Ben, après un premier album, Spring,
plutôt agréable mais qui pêchait par son manque de relief
et ses
faiblesses vocales (surtout du côté de Ms Cyann). Happy
Like An Autumn Tree parvient en partie à redresser la barre,
d'abord en insuf-
-flant une certaine energie par la présence plus importante de la batterie
et celà dès le morceau d'ouverture, Circle, jusqu'à
même
écoeurer tant les percussions de font présentes sur la fin de
la chanson (à peine rassurés par les cascades de cuivres un peu
trop
démonstratives elles aussi. Gone To Waste se fait plus
discrète et charmeuse et confirme la structure moins acoustique ou folk
de ce
nouvel album (à part la base acoustique de Summer). On
pense plus au post rock ou même au psyché-70's des Pink
Floyd ou de
Robert Wyatt. Ce qui rapproche un peu le nouveau Cyann & Ben
d'un groupe comme Syd Matters. La voix d'Alexandra
(Cyann) se fait plus
sûre que sur Spring. L'album a malheureusement un défaut,
celui d'être très très court: 39 minutes auxquelles on devra
soustraire au moins
trois titres qui ne sont que des interludes (l'anecdotique (Silence &
Little Melodies For...) le très (trop!) 70's (Close To
Discovery)
ainsi que (TidE) un titre passé à l'envers). Le
compteur atteint difficilement 35 minutes. Ces "fillers" auraient
pu conférer une atmosphère
particulière à un disque plus riche... Le fait est qu'ici on ne
peut que constater l'absence de compositions car au final on se retrouve avec
5 titres...Fort heureusement A Moment Of Nowhere, confortablement
lové au milieu de ces deux interludes, se révèle une pièce
maitresse
du registre du groupe. Les voix se mêlent de la plus belle manière,
assises sur un tapis de synthés vintage, et le jeu de batterie est
parfaitement adapté aux circonstances, n'essayant jamais de passer par
dessus dans une débauche d'effets de manche. On pourra peut-être
se montrer dubitatifs quant au final grandiloquent (présence d'un choeur)
mais ce n'est pas plus choquant que ça, et ça cadre parfaitement
avec le reste de l'album (ce côté prog psyché 70s donc...!).
Summer et ses accents acoustiques passent sans vraiment marquer
mais
permettent encore mieux d'insister sur l'imposant final (9 minutes) de l'album:
Obsessing And Screaming Voice In A Shell.
Vraisemblablement l'un des meilleurs moments du répertoire du groupe,
grace aux harmonies vocales délicates, à la rythmique lointaine,
vagues de cymbales et échos de caisse claire, et à des guitares
des plus aériennes (passées à l'envers, delayées,
et puis ce bottleneck
qui vient parachever la mélodie principale). La voix diaphane de Ben
rendent ses mots quasiment incompréhensibles, les laissant au rang de
pures sensations, de simples vibrations mélodieuses. Happy Like
An Autumn Tree s'en va ainsi de la plus belle des manières comme
un rêve brumeux. On regrettera sa durée trop courte ou son côté
parfois alambiqué qui pourrait masquer un manque d'inspiration, laissant
l'auditeur revenir bredouille de sa quête de sens ou de sensations. Néanmoins
Cyann & Ben reservent encore une fois assez de bons
moments pour capter l'attention et nourrir nos espoirs.
51
Molasses Troubles
At Jinx Hotel
alien8
Scott Chernoff déjà
de retour, après un massif Slow Messe sorti en 2003, pour
continuer à donner sa vision plus ou moins décalée du
folk americana. Retranché dans l'Hotel2Tango (QG de nombre d'artistes
Constellation), il enregistre une vingtaine de morceaux
acoustiques qu'il propose à ses collaborateurs. Toujours entouré
des fines lames de la scène montréalaise (Sam Shalabi, Flüffy
Erskine
Thierry Amar ou Efrim Menuck en tête), Molasses continue son évocation
des grands espaces qu'il sait mettre en scène de la plus belle
manière, par le jeu des arrangements de cordes (violons, alti ou violoncelles)
et de guitares électriques utilisées pour créer des fonds
sonores à grand coup de larsens maitrisés (Sign Of Judgement
ou Songs From The Basement) ou de drones de tournevis
en guise de
médiator. On navigue dans les mêmes eaux que celles du Dieu
Deuil de Tanakh ou même de
l'album d'hrsta. L'impression de quiétude
profonde qui se dégage de la musique du collectif est une fausse piste,
car Troubles At Jinx Hotel est un album résolumment politique,
une prise de position forte contre le conflit en Irak et la politique extérieure
des USA, qui nuit à l'Amérique du Nord dans son ensemble.
Siren's Song, qui ouvre l'album, commence avec le son d'une sirène
annonçant un raid aérien "America is crawling with cops tonight
/ As
we put our fists through the window of the world
" entonne Scott en
guise d'introduction, poursuivant plus loin avec un refrain évoquant
les bombardements "when darkness calls... the sky falls" . La première
piste s'éteint sur La,la,la Amerika qui fait référence
dans ses
paroles aux mots gravés sur le socle de la Statue de la Liberté:
"We're tired, Mother, and we're poor / We're wretched at your teeming
shore / We're homeless and tossed by the storm," ou You Can't Win,
titre le plus structuré, avec une rythmique squeletique, qui évoque
les évènements du 11/09/01(le morceau aurait été
écrit ce matin là alors que Molasses conduisait en direction de
la Big Apple), pour un
résultat entre le Silver Mt Zion
et Neil Young, vraisemblablement l'un des
meilleurs morceaux de l'album avec un final moyen-oriental
mariant l'oud de Sam Shallabi ou guitares
de Godspeed You! Black Emperor. Scott parvient
à unir sa vision de l'Amérique - celle de la
poètesse Hilary Peach de Vancouver,
source d'inspiration du Ms Peach's Pawnshop- à l'actualité
dramatique .Il associe le nom de
l'artiste au morceau Buffaloed At Wounded Knee, comme pour ancrer
encore plus son oeuvre dans une mythologie personnelle de
l'Amérique, de la même manière qu'il reprend magnifiquement
le bluesman Kid Prince Moore pour
un poignant Sign Of Judgement,
adapatation d'un cantique dont la version d'origine date des années 30.
"Sign of judgement yes, judgement it ain't long". Molasses critique
l'Amérique en utilisant ses plus forts symboles pour marquer l'inconscient
collectif. Même dans la musique, il emprunte à cette culture folk
des Appalaches, aux racines bibliques, ou à ses traditions, comme sur
Lynn Canyon Wedding Song (Lynn Canyon endroit sauvage dans
les environs de Vancouver, avec son pont suspendu sur lequel on célèbre
des marriages) "I never cared very much for the West / Except
for you there who I loved the best / Now please ...take me back East" illustrant
le clivage entre Orient et Occident ... Bien sûr l'absence de
rythmique pourra renforcer l'impression déjà ressentie sur les
précédents travaux de Chernoff, celle que les chansons finissent
par se
ressembler au bout d'un moment ... Néanmoins on saluera une nouvelle
fois les faculité de Molasses d'envelopper l'auditeur dans son univers,
de transcender l'amour et la haine, la peine et l'espoir, pour un album dense
en dépit de la musique parfois éparse qu'il présente.